«C’était pendant des vacances en Côte d’Ivoire, explique Vanessa Boni, 24 ans. J’étais enfant. J’ai accompagné ma grand-mère qui se rendait dans un quartier défavorisé d’Abidjan pour donner des médicaments à des gens très pauvres. Parmi les personnes que j’ai croisées ce jour-là, je me souviens d’un enfant très maigre, un «poids plume». Cette rencontre m’a fait découvrir la misère dans laquelle vit une partie de la population de ce pays.»
Le souvenir de cette rencontre a laissé une trace indélébile chez la jeune fille qui est établie avec sa maman à Berne, depuis bientôt 20 ans. Lorsqu’elle a choisi une formation, Vanessa a d’abord pensé faire de la médecine et se spécialiser dans la médecine sociale. Elle s’intéresse au «fonctionnement du vivant». Comme cela n’était pas possible rapidement, elle s’est lancée dans une formation en biologie, à l’Université de Neuchâtel. «Je me suis inscrite un peu par accident dans cette branche, en attendant de faire autre chose, explique Vanessa. Mais la biologie m’a énormément intéressée, en particulier grâce à un professeur de parasitologie formidable. Il travaille «vachement» en Afrique. Il aide le monde scientifique là-bas. Et j’ai encore des contacts avec lui.»
De ses expériences d’enfance, Vanessa a gardé un profond désir de travailler à l’amélioration de la santé des gens en Afrique. «J’aimerais contribuer à ce que les Africains aient un meilleur accès à la médecine, s’émeut-elle. Ce n’est pas parce que je suis Ivoirienne d’origine. Culturellement, je suis métisse. Je suis à la fois ivoirienne, par ma mère et mon éducation, et suisse car c'est ici que j'ai grandi et que j'ai mes repères. J'ai intégré certaines valeurs suisses, comme la discipline, la rigueur, l'excellence dans le travail, et certaines valeurs ivoiriennes comme le respect des aînés, l'importance de la famille, la bonne humeur et l'optimisme. J'ai fait le choix de certaines valeurs dans chaque culture, mais ma maison est ici. Du reste, je suis en train d’effectuer les démarches nécessaires à l’obtention de la nationalité suisse.»
Du sens à sa vie
Vanessa est chrétienne. Lorsqu’elle n’est pas à l’étranger à cause de ses études, elle fréquente l’Eglise évangélique libre à Berne. «La foi engendre de la compassion, constate-t-elle. Je ne veux pas vivre et gagner de l’argent simplement pour moi. J’aimerais vraiment que ma vie soit utile pour Dieu et pour les autres. J’ai des copines avec un boulot, un copain... Elles vont très bien, mais ce n’est pas tout!»
Lors d’un stage en Côte-d’Ivoire au printemps 2006, afin de mettre en pratique ce qu’elle avait appris, Vanessa a travaillé pour le Ministère de la santé de ce pays. «J’étais engagée dans un centre qui soigne des personnes atteintes de l’ulcère de Buruli (1). Je devais voir dans quelle mesure la nutrition des enfants malades avait une influence sur le développement de la maladie. »
Un choc culturel en retournant au pays
A l’occasion de ce stage, Vanessa traverse un choc culturel. Elle est déçue en découvrant les motivations – et le manque de motivation – des collaborateurs du Ministère de la santé: «Il ne sont pas à l’heure, ils manquent de moyens...» Par contre, elle tire un bilan très positif de sa rencontre avec les enfants malades.
Vanessa a également collaboré au travail d’une ONG privée s’occupant de prostituées, spécialement dans le domaine de la prévention du Sida. «Là, c’était mieux, se réjouit-elle. Ils bossent, ils sont passionnés.»Elle a rencontré des prostituées de 16 ans auxquelles elle demandait: «Voulez-vous faire le test du Sida?» La réponse était généralement négative: «Pourquoi faire un test? Je n’aurais de toute façon pas les moyens de me soigner et, en plus, je serais rejetée par ma famille.» De toute manière, ces jeunes filles n’ont pas d’autre choix que de continuer à pratiquer leur «métier», afin de subvenir aux besoins de leur famille.
Ce stage a transformé la foi de Vanessa. «Ma relation avec Dieu a grandi, se réjouit-elle. C’est comme si Dieu voulait m’apprendre de nouvelles choses grâce aux circonstances de la vie pratique. J’ai appris à m’en remettre à Dieu et à respecter sa volonté.»
Depuis le 1er mai, Vanessa est en stage au Burkina Faso. Elle participe à un programme qui allie la lutte contre le Sida et le micro-crédit. Ce stage lui permet également de finaliser son Master en management de programmes humanitaires de l’Université de Liverpool.
Trouver les bonnes motivations
Il y a quelques années, Vanessa désirait se spécialiser en santé publique et travailler pour des institutions gouvernementales. «J’ai changé d’avis, reconnaît-elle. Ces programmes me semblent souvent éloignés de la réalité des gens. C’est pourquoi j’ai un diplôme en management de projets.»Vanessa est en désaccord avec un certain nombre de scientifiques et d’humanitaires qu’elle a rencontrés en Afrique. «Dans la plupart des cas, les Occidentaux s’engagent «pour aider les pauvres», s’énerve-t-elle. Je ne me retrouve pas dans leurs motivations.»Alors, à moitié sérieuse, elle se dit: «Pourquoi pas ma propre ONG?» Et elle ajoute en rigolant: «N’oubliez pas mon nom!»
Claude-Alain Baehler
Note
1 L’ulcère de Buruli est une maladie terriblement douloureuse et invalidante qui affecte particulièrement les populations des pays du golfe de Guinée. Causée par une mycobactérie transmise notamment par les punaises d’eau, elle détruit la peau, les muscles et peut même toucher les os. Informations: www.afrik.com/article7428.html.