Que pourraient faire les Eglises pour s’inscrire dans une dynamique encourageante à l’endroit des couples et des familles ?
A mon sens, les Eglises ont d’abord un mandat d’enseignement. Pour vivre leur vie de couple ou de famille, les chrétiens ne disposent que des modèles qu’ils ont autour d’eux et de ce qu’ils voient dans les médias. Et ce n’est souvent pas un enseignement encourageant et utile, pour pouvoir entrer dans une vie telle que Dieu l’envisage.
En quoi devrait consister cet enseignement ?
Il faudrait essayer de transmettre une vision biblique du couple, notamment le fait que le salut apporté par Jésus-Christ concerne les couples et les familles. Nous assistons à une sorte d’individualisation du salut qui fait que certains thèmes ne sont plus abordés.
L’absence de ces thèmes n’est-elle pas due au fait qu’ils sont trop difficiles à développer au vu de la diversité des vécus conjugaux et familiaux aujourd’hui ?
Pas sûr ! J’ai fait l’expérience d’un séminaire pour couples organisé dans le cadre de l’Alliance évangélique où, en final, il y avait plus de la moitié des participants qui n’étaient pas chrétiens ! C’était une occasion extraordinaire d’évangélisation, parce que les couples se rendent compte que, sans l’aide de Dieu, ils n’arrivent que difficilement à vivre leurs relations. Après ce séminaire, on a proposé aux participants de constituer des groupes plus petits pour partager 5 soirées. 5 groupes se sont constitués. A la suite de cela, plusieurs personnes se sont converties… A mon sens, c’est un thème pour lequel notre société est très ouverte, si on arrive à l’apporter sous une forme qui amène un soulagement, bien loin de toute dimension moralisatrice.
N’est-ce pas à ce niveau-là justement que les chrétiens et les Eglises ont des problèmes, parce qu’ils véhiculent des standards moraux souvent inaccessibles à bon nombre de nos contemporains ?
Si nous souhaitons apporter un enseignement dans ce domaine, il faut partir de la réalité vécue par les couples. En se basant là-dessus, nous pouvons apporter une aide qui n’augmente pas le poids de ce qu’on devrait faire, mais qui fait intervenir la grâce de Dieu dans notre vécu. Dieu offre un soutien concret à la vie de couple, et il faudrait aider à le découvrir…
Quelle que soit la qualité du vécu du couple en question ?
Oui ! J’ai expérimenté cela dans mon accompagnement des couples. Quelle que soit la situation du couple, il y a toujours de l’espoir, une possibilité d’améliorer le vécu conjugal, avec plus d’amour, plus de liberté, plus de joie ensemble. C’est aussi vrai pour les couples qui se remarient après un divorce. Même là, on pourrait aider à ce que ce deuxième mariage ne soit pas, selon les statistiques, « condamné » à échouer encore plus rapidement que le premier !
Pour vous, le fait d’inscrire Dieu dans le vécu conjugal est l’occasion de donner un souffle et un élan nouveau à toute réalité conjugale.
Oui. Une telle affirmation est basée sur notre vécu personnel en tant que couple et sur ce que nous vivons avec les couples dans les semaines Sel&Lumière. Dieu peut devenir un partenaire actif dans le couple, du fait qu’il est le Dieu de l’Alliance. Il s’implique avec tout ce qu’il a à disposition pour permettre à chaque couple de faire un chemin vers l’amour et l’unité. C’est ce qui me frappe toujours : si un couple donne à Dieu sa place dans la relation, celle-ci commence à changer. Quand chaque partenaire approfondit sa relation avec le Seigneur, les choses se simplifient et deviennent vivables.
Concrètement, comment des Eglises locales peuvent-elles encourager leurs membres à entrer dans cette perspective d’un Dieu qui renouvelle les couples et les familles ?
Si on veut commencer à la base, il faut – comme je l’ai dit – que les Eglises enseignent une vision chrétienne du couple. Par ailleurs, les pasteurs et les responsables devraient développer cette manière simple et encourageante de vivre leur couple, afin de devenir des modèles. A travers cela, des enseignements pourraient être donnés sur des thèmes comme les relations au sein de la famille, sur l’invitation à honorer son père et sa mère, sur les relations mari-femme, père-enfant… Peut-être même sur la relation à ses parents, quand on est adulte !
Les Eglises devraient-elles faire davantage de choses pour préparer les « aspirants » à la vie conjugale ? Même si il y a déjà passablement de formations…
En fait, j’ai quelques réserves. Pour une préparation au mariage, il faut tenir compte de certaines données. L’être humain a des difficultés à prendre au sérieux une réalité avant de s’y trouver ; il a du mal à apprendre à l'avance. On ne peut pas résoudre des problèmes avant d’y être. On peut toutefois apporter aux jeunes une vision biblique du couple et une information sur la réalité de la vie conjugale. On peut aussi les aider à prendre des décisions claires par rapport au mariage, les enseigner sur les conditions d’un mariage solide.
Par exemple ?
Il est important que les deux « oui » des conjoints soient indépendants, selon la formule : « Je te veux pour le reste de ma vie, même si toi tu ne me veux pas… » S’il y a deux « oui » indépendants, cela donne une base très solide. En cas de « oui » conditionnel, on pose des bases branlantes pour la vie à deux.
Il est aussi important de travailler sur la qualité de l’acceptation de l’autre. Très souvent on constate, quand un conflit intervient au sein d’un couple, qu’il n’y a pas eu acceptation du conjoint tel qu’il est, mais tel qu’il était espéré. Le fait de dire : « Je te veux tel que tu es avec ton passé, et même je t’accepte avec ton avenir que je ne connais pas… » est très important.
Quels pourraient être d'autres éléments d'une préparation valable ?
Apprendre aux futurs époux à vivre leur relation actuelle dans la liberté et l'honnêteté. Recevoir de l’amour nécessite de laisser libre son partenaire. Les « aspirants » au mariage, sont-ils en train de faire d’immenses efforts qu’ils ne seront plus à même de faire après ? Examiner de près avec eux la dynamique de leur relation apporterait énormément pour la vie à deux.
Pour vous les questions de finances et de sexualité, par exemple, ne sont pas des choses à discuter avant le mariage ?
On peut donner quelques informations, mais il y a des choses plus importantes. Ce qui l’est, c’est d’aider les futurs conjoints à trouver dans les situations qu’ils vivent maintenant des solutions valables pour les deux. Et s’ils arrivent avant leur vie de couple à vivre une relation où ensemble ils trouvent un chemin de dialogue, où l’un n’est pas mis en prison, où l’un n’a pas besoin de renoncer à plein de choses pour gagner l’autre, alors ils trouveront des solutions plus tard pour les problèmes concrets qui les attendent.
Il est aussi important d’examiner les conditions médicales dont il faut tenir compte avant de se marier, par rapport à l’hérédité notamment. Il faut vraiment parler de toutes les conséquences liées au choix d’un conjoint.
Cette information sur la sexualité ou les questions financières pourrait intervenir après la célébration du mariage…
La chose la plus astucieuse serait d’accompagner les jeunes couples pendant le début de leur mariage. Qu’il y ait, si possible entre plusieurs Eglises locales, un groupe qui rassemble les jeunes mariés avec un couple plus expérimenté. Dans ces échanges, on verra que tous les couples rencontrent les mêmes difficultés. Au travers de quelques enseignements simples, des solutions pourront être proposées. A mon avis, il est aussi important d’accompagner les débuts de la vie à deux que de mettre en place une longue préparation avant.
Vous dites parfois que vous souhaiteriez que chaque jeune couple ait un couple parrain plus âgé qui l’accompagne…
Sur ce terrain, les Eglises pourraient faire beaucoup de bien aux jeunes couples. J’en ai connu qui étaient désespérés et, lorsqu’ils m’ont raconté les raisons de leur désespoir, j’ai souri en leur disant : « Ecoutez ! Vous êtes un couple normal ! Tout le monde passe par là ! »
Ce couple parrain pourrait leur dire qu’ils sont dans le processus compliqué de l’adaptation réciproque. Il est en effet très difficile de développer un style de vie commun, de savoir partager une salle de bain, de trouver une manière de structurer sa journée, de voir comment on se lève et comment on se couche… Susciter la mise en place de vis-à-vis qui ont traversé cela et qui savent que l’on trouve des solutions, voilà qui pourrait constituer un très grand encouragement.
Propos recueillis par Serge Carrel