« Abus de position dominante », « Faire cesser les discriminations », « statut privilégié » « fortement discriminatoire à l’égard de l’islam, des protestants évangéliques, des bouddhistes »… Dans une chronique parue le 21 mars dans l’hebdomadaire protestant français Réforme, l’historien et sociologue Sébastien Fath rappelait, suite à un colloque sur l’œcuménisme tenu à Paris, que les bonnes relations entre évangéliques et luthéro-réformés, c’est aussi jeter un regard critique sur la pratique des autres composantes du protestantisme. En question concrètement : le statut de culte financé par l’Etat français, dont bénéficient les Eglises luthérienne et réformée d’Alsace et de Moselle. « Il s’agit d’une inégalité de droit », constatait le sociologue. Et ce serait « un acte de laïcité et d’œcuménisme pratique de bon aloi » de mettre fin à ce « financement discriminatoire, hérité d’un autre âge » !
Une réponse vive des autorités luthéro-réformées
Christian Albecker, le président de l’Union des Eglises protestantes d’Alsace et de Lorraine, s’est fendu d’une réponse particulièrement vive en mettant en cause la connaissance de la situation locale du sociologue et en justifiant le statut des « cultes statutaires », des catholiques, juifs et luthéro-réformés, financés par l’Etat français. Principal argument avancé : le fait qu’il y a là un modèle « pragmatique » des gestions des relations Eglises-Etat, y compris sur le plan financier (une somme de 50 millions d’Euros est allouée chaque année aux trois entités reconnues). De plus, ce modèle pourrait permettre de mettre en place un enseignement interreligieux à l’école et de « faire connaître aux jeunes l’ensemble des grandes religions et leurs principes spirituels ».
Etendre le principe de séparation à tous les cultes : une urgence
Dans sa réponse « Vers la fin de la discrimination concordataire: le débat continue », Sébastien Fath en appelle à « un débat constructif dans la direction d’une meilleure égalité des droits ». Il surenchérit en dessinant un cap pour l’avenir qui serait « de supprimer ce financement discriminatoire, ce qui permettrait aussi des économies que l’Etat emploierait mieux ailleurs, par exemple dans la promotion de la laïcité ». Dans la réalité française contemporaine, il considère qu’il est urgent d’étendre le principe de séparation entre l’Eglise et l’Etat à tous les cultes « afin de les remettre sur un pied d’égalité laïque. Les cultes sont appelés à se financer eux-mêmes. L’impôt a d’autres fins. »
Pour conclure le sociologue convoque une citation de Monseigneur Lafont, évêque catholique de Cayenne qui, en 2014, par rapport à cet « abus de position dominante » déclarait qu’il serait bon que « l’Eglise renonce d’elle-même à un privilège plutôt que d’attendre qu’il lui soit enlevé ».
Serge Carrel