Durant la seconde moitié du XIXe siècle, des « Teachers », c’est à dire des évangélistes-instituteurs, ont quitté les îles Samoa et ont débarqué sur les îles Loyauté, trois îles situées à une centaine de kilomètres à l’est de la Nouvelle-Calédonie. Ils y ont fondé des Églises. Puis, vers la fin du siècle, des chrétiens des îles Loyauté sont allés chercher du travail sur la « Grande Terre », l’île principale de la Nouvelle-Calédonie. Ils y ont également fondé des Églises, ce qui a contribué à sauver les Kanaks de la disparition. On pourrait dire que, s’il existe encore des Kanaks aujourd’hui, c’est un peu la « faute » de l’Évangile ! Voici pourquoi...
En Australie et en Amérique, les colons anglo-saxons et ibériques ont réussi à se débarrasser de la quasi-totalité des populations aborigènes(1). La France, par contre, n’y est pas parvenue. Notamment, en 1853, elle a tenté sans succès de vaincre et d’éliminer la population aborigène kanack de Nouvelle-Calédonie. Elle a réduit l’île en colonie et a établi un bagne semblable à celui de Guyane sur une petite île proche de Nouméa, la ville principale.
Il était interdit aux bagnards qui avaient purgé leur peine de retourner en France. Sans ressources, ceux-ci étaient relégués sur la grande île où ils survivaient parmi les villages kanacks, en général grâce au trafic d’alcool et d’armes. C’est ainsi que l’alcool et la violence provoquèrent un une dissolution des mœurs chez les Kanaks, multipliant notamment les cas de maladies vénériennes et rendant les femmes stériles.
Un missionnaire à Nouméa
En 1902, le missionnaire français Maurice Leenhardt, devenu plus tard un ethnologue réputé, s’est rendu avec quelques collègues en Nouvelle-Calédonie pour consolider les jeunes Eglises encore fragiles, fondées par les autochtones des îles Loyauté. Il était envoyé par la Société des missions évangéliques de Paris.
À son arrivée à Nouméa, Maurice Leenhardt se présenta à l’administrateur colonial, afin de lui exposer la raison de sa venue. L’homme politique lui répondit : « Mais monsieur le pasteur, que venez-vous faire ici ? Dans dix ans, il n’y aura plus de Kanaks ! » En effet, il ne restait alors guère plus de 10'000 aborigènes. La France colonialiste se livrait, cyniquement, à un génocide « en douceur ».
Mais la France colonialiste se trompait ! En effet, grâce à l’Évangile, la population kanak fut libérée de l’alcoolisme et de la violence. Elle retrouva ses coutumes ancestrales, et la courbe démographique fut entièrement modifiée ! Cela dit, ce n’est que dans les dernières années du XXe siècle que les premiers jeunes Kanaks ont eu le droit de se présenter au baccalauréat…
Une Église évangélique kanak bien vivante
Aujourd’hui, il existe une Église évangélique kanak bien vivante, dont nous avons été les hôtes, mon épouse et moi, il y a une vingtaine d’années. Les problèmes n’ont pas cessé pour autant. La cohabitation, sur une même terre, entre la population kanak et celle des colons français a souvent généré des tensions. Des risques de guerre civile ont jailli dans les années 1980. Or, ce sont les deux seuls Premiers ministres protestants de la Cinquième République, Michel Rocard et Lionel Jospin, qui ont été délégués sur l’île pour trouver une issue à ces tensions. Ils ont été envoyés par les présidents Mitterrand et Chirac. Et il s’en est suivi une quarantaine d’années relativement calmes, jusqu’à récemment.
Les récentes émeutes n’ont pas été majoritairement le fait des villageois kanaks, mais d’une jeune génération émigrée dans les villes. Elle venait y chercher une vie meilleure. Mais, finalement, elle s’est retrouvée dans des quartiers pauvres et délabrés.
Cette page d’histoire est un témoignage éloquent de la puissance transformatrice de l’Évangile, non seulement dans une vie, mais aussi dans toute une population. Le missionnaire Maurice Leenhardt, concluant le livre où il raconte ces faits, écrit : « La vie, pour nous, c’est l’Evangile ! »
Il faut prier pour nos frères et sœurs Kanaks, pour les Caldoches – les Blancs qui exploitant les riches mines de nickel… et où se trouve aussi une Église protestante – et pour toute la population de Nouvelle-Calédonie où subsiste une situation postcoloniale compliquée. Mais cette situation n’existerait sans doute pas si l’Evangile n’avait pas été annoncé à la population aborigène !
(1) L’adjectif « aborigène » et le substantif « aborigènes » désignent le peuple premier d’un territoire. Il sont souvent, mais pas exclusivement, utilisés pour désigner les Aborigènes d'Australie.