Samedi 27 septembre, deux heures du matin. La fourgonnette conduite par Jacquelin Piaget arrive à la place Pury, à Neuchâtel. Au milieu de la foule, il se fraye un passage jusqu'au poste de secours devant lequel une ambulance s'apprête à partir. Jacquelin attend le départ de l’ambulance, puis se gare à son tour devant le poste de secours. Pendant ce temps Nils et Yaël, deux jeunes accompagnateurs, enfilent des gants en latex. Ils se remémorent aussi la consigne : prendre la fiche sur laquelle se trouve le nom de la personne, prendre aussi les affaires personnelles de la personne.
Quelques secondes de discussion au poste du Service d'incendie et de secours (SIS) et une jeune femme ivre est amenée dans la fourgonnette. Nils et Yaël l'enveloppent d'une couverture à croix blanche de l'armée, la couchent et s’assoient à côté d'elle. La fourgonnette de Jacquelin repart en direction de la chapelle de l’Eglise évangélique libre de la Rochette (FREE), tout près de la gare de Neuchâtel. Là, la jeune femme trouvera une infirmière pour veiller sur elle, des viennoiseries, des boissons sans alcool, des WC et, surtout, un matelas et une autre couverture de l'armée pour passer la nuit.
Chapelle transformée en centre d'accueil
Au rez-de-chaussée de la Rochette, les salles d'écoles du dimanche ont été transformées en dortoirs. Des feuilles de plastique protègent le sol et les murs. Des matelas et des couvertures prêtés par l'armée ont été soigneusement alignés ; une quinzaine de personnes les utilisent déjà. Un salon composé de fauteuils et de canapés recouverts de plastique a été aménagé. Des bibles gratuites sont disponibles sur une table. Contre les murs du corridor, des bassins réniformes à usage unique ont été scotchés – très faciles à empoigner lorsqu'une personne vomit !
Pendant ce temps, devant la chapelle de la Rochette, des jeunes qui reviennent de la fête et se rendent à la gare se sont attroupés. Ils s'étonnent de trouver ce stand sympa où tout est gratuit : des sandwiches, des gâteaux, du thé, du café, des WC, des chaises et un accueil bienveillant.
Depuis plus de 30 ans, durant la Fête des vendanges, des chrétiens neuchâtelois organisent l'Accueil Dodo, un ensemble de services destinés à recueillir et aider des fêtards qui n'ont pas su contrôler leur consommation d'alcool ou qui ne sont pas arrivés à temps à la gare pour prendre le dernier train. Parmi les pionniers de ce service, on trouve le groupe de jeunes de la Paroisse réformée de Saint-Blaise, dont Nils et Yaël font partie. Les autres bénévoles sont, pour la plupart, des chrétiens d'Eglises évangéliques de la région de Neuchâtel.
« J'aime participer chaque année à cette action. Je crois même que je suis devenue une droguée de l'Accueil Dodo », confesse Michèle, infirmière et membre de l’Eglise évangélique libre de la Rochette. L'infirmière contrôle l'état général des personnes qui arrivent. Elle vérifie que celles qui risquent de vomir soit bien positionnées. Parmi ses protégés se trouve une adolescente de 15 ans que ses parents, appelés, viennent chercher au milieu de la nuit.
Une expérience bienfaisante, également pour les Eglises
Quant à Gwendeline, membre du comité de l'Accueil Dodo, elle en est à sa quinzième année. Elle se souvient : « Je suis allée une fois participer à la Fête des vendanges. Ensuite, je me suis engagée à l'Accueil Dodo. Pour moi, c'est très important d'être ici, d'accueillir celles et ceux qui ont fait la fête. En moyenne, nous accueillons quelque 80 personnes chaque année. »
Jacquelin Piaget, chauffeur de l'une des deux fourgonnettes qui sillonnent la ville, est également convaincu par un tel engagement chrétien : « Avec mon épouse Sarah qui est médecin, je m'engage à l'Accueil Dodo depuis cinq ans. C'est une expérience très intéressante, très rassembleuse pour l’Eglise évangélique libre de la Rochette. Elle permet également à plusieurs Eglises de la région de collaborer. »
Trois heures. Des jeunes de l'Accueil Dodo qui parcouraient les rues de la ville et signalaient les personnes en difficulté reviennent à la Rochette. Pour certains, l'heure est venue de prendre un bus de nuit et de rentrer chez eux.
Dans quelques heures, les dormeurs seront réveillés. Ils auront la possibilité de manger, de boire, de discuter avant de repartir. Certains seront un peu honteux de ce qui leur est arrivé, d'autres s'amuseront d'avoir passé la nuit dans une église. Ensuite, pendant que plusieurs membres de l'équipe iront dormir, d'autres partiront faire la tournée des boulangers. Ils récolteront des invendus qui seront servis durant la nuit de samedi à dimanche. Car, la nuit suivante, l'Accueil Dodo est à nouveau en effervescence.