Un professeur de théologie pratique qui écrit sur la louange ! C’est ce qu’effectue Christophe Paya, professeur de théologie pratique à la Faculté libre de théologie évangélique de Vaux-sur-Seine (F). C’est que pasteur, avec son épouse pianiste, il a mis sur pied des dizaines et des dizaines de temps de louange. C’est aussi que le phénomène de la louange a pris dans les milieux évangéliques, y compris francophones, une importance exceptionnelle. Toute Eglise locale a ses musiciens, son groupe de louange, son projectionniste de chants, son sonorisateur… Autant de jeunes et de moins jeunes – mais beaucoup de jeunes ! – qui s’impliquent dans le vécu communautaire pour donner une dimension particulière aux célébrations dominicales.
Dans Au cœur de la louange, Christophe Paya propose un petit guide qui passe en revue ce qu’il importe de connaître pour toute personne qui s’intéresse de près ou de loin à la pratique de la louange dans l’Eglise. Après un parcours biblique, il situe la louange dans le culte, il présente l’évolution du chant d’Eglise avec ses développements commerciaux dans le monde anglophone, il propose dans les Eglises locales de constituer des listes de chants en guise de patrimoine commun, développe des fils conducteurs pour construire divers temps de louange…
Un parcours biblique stimulant
Spécialiste en Nouveau Testament, Christophe Paya emmène d’abord ses lecteurs dans un parcours biblique autour du thème de la louange. Après avoir montré que, dans les récits de création, l’exclamation éblouie d’Adam face à Eve renfermait une dimension de louange au Créateur, il développe ce thème tout au long de la Bible jusque dans l’Apocalypse. Il retient trois idées marquantes. Tout d’abord, même « si la louange retentit à chaque étape du récit biblique », « les êtres humains tâtonnent pour se situer devant Dieu : de l’insistance au doute, de la peur à l’incrédulité. Rares sont ceux qui perçoivent directement le chemin à suivre » (p. 19). Comme le professeur de Vaux-sur-Seine le souligne ensuite : « Le culte ne va pas de soi. » L’épisode du veau d’or, où le peuple d’Israël passe de la louange au Dieu invisible à l’adoration d’une statue (Ex 32.1-6), témoigne d’une certaine précarité ou fragilité de la louange.
Christophe Paya montre aussi que, dans le donné biblique, « le culte ne se limite pas à une pratique, qu’il place le croyant face au Dieu souverain, rempli de grâce, devant lequel on ne peut se présenter que dans le respect, l’humilité et l’adoration » (p. 23). Au-delà de ce face à face avec Dieu, la louange s’inscrit donc dans un contexte beaucoup plus large. « C’est la bonne conduite des croyants dans le monde qui est louange » (p. 38), relève-t-il.
Du contenu pour la louange
Même si Christophe Paya donne une dimension très large à la louange, il s’intéresse dans la suite de son livre aux aspects pratiques de la louange dans le culte. Pour lui, tout moment de louange devrait contenir trois dimensions : le rappel de la volonté de Dieu, de notre péché et du pardon offert généreusement et sans réserve par Dieu. Il discerne quatre axes autour desquels un animateur de louange peut construire son temps de célébration : un fil conducteur biblique (un texte ou un thème), un chemin d’Evangile (une sorte de reprise de la manière traditionnelle dont les cultes sont construits : rassemblement du peuple de Dieu, proclamation de la grandeur du Seigneur, confession des péchés, réception du pardon et célébration du Christ et de son salut), un chemin vers le trône de Dieu (un parcours qui entre dans une grande proximité du Seigneur) et, en final, un passage en revue des œuvres que Dieu a faites pour nous (des oeuvres de la création à ce qu’il a fait pour moi).
Etablir une liste de chants par Eglise
Un autre point intéressant de la contribution de Christophe Paya, c’est la proposition faite à chaque communauté de constituer une liste des chants qui font partie de son patrimoine. Afin de l’élaborer, le professeur de Vaux-sur-Seine invite à passer les chants « sur le marché » à un examen en fonction de leur pertinence théologique, leur qualité littéraire ou musicale, leur popularité dans les autres Eglises… A la fin du chapitre 7, il se risque même à proposer une liste à partir des recueils J’aime l’Eternel, A Toi la gloire et Arc-en-ciel.
« Te connaître, Jésus, te connaître, il n’est rien de meilleur »
Christophe Paya termine son livre en mettant en exergue les apports de la louange contemporaine : un esprit joyeux dans les cultes évangéliques, un accompagnement instrumental et vocal de qualité, l’implication de plusieurs personnes dans le culte, une accessibilité plus grande du culte à M. et Mme Toutlemonde, une mondialisation de l’hymnologie, une valorisation de la proximité de Dieu… A côté de ces points positifs, il n’en souligne pas moins d’autres qui le sont moins : une certaine hypocrisie, qui fait que des animateurs de louange se grandissent au-delà de la place qui devrait être la leur, une forme d’idolâtrie qui penserait que la louange en elle-même produirait des effets, sans penser que c’est Dieu seul qui agit. Pour prévenir ce genre de dérive, Christophe Paya renvoie à « Te connaître », un chant de Graham Kendrick (JEM 829) qui dit : « Ce qui m’était cher pour construire ma vie, utile et précieux selon ce monde, ce qui m’était gain n’a plus de valeur, ne me sert à rien car je préfère : Te connaître, Jésus, te connaître, il n’est rien de meilleur. »
Serge Carrel
Christophe Paya, Au cœur de la louange, Charols, Excelsis, 2014, 182 p.