Le film « Zwingli. Le Réformateur » de Stefan Haupt est une excellente manière de se familiariser avec ce début du XVIe siècle qui voit émerger un mouvement de réformes de l’Eglise sans précédent en Europe : le protestantisme.
Une angoisse prononcée étreint les consciences par rapport au sort final des trépassés : paradis, purgatoire ou enfer ? L’imprimerie décole, et les livres et brochures imprimés connaissent un essor exceptionnel. Le niveau de moralité du personnel masculin de l’Eglise semble au plus bas : nombre de prêtres et de moines ont pris femme, beaucoup d’entre eux abusent de la crédulité du peuple pour obtenir des avantages pécuniaires, les intrigues politiques entre prélats se multiplient…
A Zurich en 1519
Stefan Haupt commence son film avec l’arrivée d’Ulrich Zwingli (1484-1531) à Zurich en 1519. Cet ecclésiastique va y occuper la fonction de curé à la cathédrale. Il a 35 ans et une expérience de vie marquée par la guerre et le mercenariat des Suisses au service des grandes puissances européennes. Zwingli est aussi sensible aux idées humanistes et de réforme. Il a appris le grec et lit le Nouveau Testament dans le texte.
Très rapidement, un deuxième personnage-clé apparaît : Anna Reinhart. Cette jeune femme vient de perdre son mari à la guerre. Traumatisée par le destin éternel de celui-ci, la jeune veuve est exploitée par un prêtre qui lui réclame de l’argent à chaque fois qu’elle fait dire une messe pour accélérer le passage du défunt du purgatoire au paradis. Confronté à cette pratique de collègues, Zwingli la réprouve, signifie à la veuve que l’Eglise ne peut distiller des accès facilités au paradis. On découvre petit à petit cette veuve, l’auberge qu’elle gère avec sa mère et l’intrigue amoureuse qui se noue entre Anna et Ulrich.
Atteint par la peste, Zwingli bénéficie des soins d’Anna. Ils se découvrent parents avant d’avoir été mariés à l’Eglise… Impliqués côte à côte dans les différents événements qui marquent cette période, on les voit faire des choix qui auront un impact social sur la société zurichoise. Un monde nouveau émerge où le célibat des prêtres n’a plus cours, où la Bible est traduite en langage vernaculaire, où l’imprimerie naissante édite tant la Bible que nombre de pamphlets du réformateur, où les biens de l’Eglise et des monastères sont vendus et servent à nourrir pauvres et mendiants…
Une mise en avant des impasses de la Réforme magistérielle
Le film « Zwingli » montre bien les impasses de la Réforme magistérielle : celle menée par Martin Luther, Ulrich Zwingli et Jean Calvin. Prisonnier d’une vision de la société marquée par la chrétienté, Zwingli, tout comme Luther, est incapable de mettre en place un christianisme qui ne fait pas se recouvrir baptême et citoyenneté, donc qui respecte la liberté de conscience pour tous ses citoyens. La Réforme s’arrête au milieu du gué et noie l’anabaptiste Felix Manz dans la Limmat, sous prétexte qu’il s’est fait baptiser adulte. Même si Zwingli regarde la scène de loin, il ne s’oppose nullement à la terrible violation de la liberté de conscience opérée par le Conseil de ville. Anna, son épouse, est plus à distance et laisse entrevoir une réprobation porteuse de nos conceptions contemporaines.
Zwingli est aussi un soldat. La violence militaire, il l’a connue à Marignan en 1515. Il ne parvient pas à s’en détourner et à opter pour la non-violence du Sermon sur la montagne. A la fin du film, on le voit partir avec Gerold, le fils d’Anna et de son premier mari. Le jeune homme prend l’épée de son père, souvenir de celui qui est mort en 1517, et Anne la récupère au moment du retour des soldats défaits en 1538, après la seconde guerre de Kappel. Gerold a été tué au combat, Zwingli aussi et son corps dépecé et écartelé. Anne Reinhart tient dans ses mains l’épée qu’elle retrouve et ne peut s’empêcher de partir en larmes.
Un incontournable pour présenter la Réforme
Parmi les films disponibles sur la Réforme, « Luther » d’Eric Till (2003) ou « The Radicals » de Raul V. Carrera (1990), « Zwingli » de Stefan Haupt est le plus réussi. Pour des ados dès 14 ans ou des adultes, il constitue une magnifique introduction à ce protestantisme qui a remis au cœur de la foi chrétienne le salut par la foi seule et qui a marqué en profondeur la société helvétique et occidentale.
Serge Carrel
Stefan Haupt, « Zwingli », 2019, 123’, disponible en version française ou suisse allemand sous-titré français avec Max Simonischek (Zwingli), Sarah Sophia Meyer (Anna Reinhart), Charlotte Schwab (Maria), Anatole Taubmann (Leo Jud)... Le site du film.