En juin 2015, le Conseil national des évangéliques de France (CNEF) a publié un document intitulé La guérison miraculeuse. Constitué de quatre parties, il présente d’abord un « texte commun » aux différentes sensibilités évangéliques présentes dans cet organe représentatif français. Trois autres parties viennent compléter cette prise de position, en donnant la parole à trois courants différents : les pentecôtistes, les évangéliques classiques et les réformés évangéliques.
« Etre évangélique, c’est croire aux miracles »
Ce qui frappe dans ce document, c’est la convergence claire de tous les évangéliques pour dire qu’il est constitutif de leur identité de croire aux miracles. « Aux miracles mentionnés par l’Ecriture et au Dieu capable de miracles aujourd’hui encore », souligne le document. En recourant au schème traditionnel « Création-chute-rédemption », ce texte inscrit la maladie dans la réalité de la chute, et la guérison comme avant-goût de la « consommation » finale. Récusant tout lien systématique entre maladie et péché, ce document souligne qu’il faut compter le savoir-faire médical parmi les bienfaits de Dieu envers tous les hommes. Prier avant une opération a donc toute sa valeur, car « toute action humaine est dépendante de Dieu et de son soutien » (p. 3).
Le document du CNEF rappelle ensuite que la confession par les évangéliques de la toute-puissance de Dieu entraîne qu’il peut intervenir et guérir de manière miraculeuse, « c’est-à-dire d’une manière qui ne suit pas les voies habituelles de la grâce commune, et susciter une guérison inexplicable aux yeux des humains ». Le terme de miracle peut alors caractériser une guérison impossible en elle-même ou une guérison inhabituelle dans sa procédure. « Quoi qu’il en soit, nier toute possibilité de guérison miraculeuse serait s’opposer par principe à la liberté toute-puissante de Dieu, rejeter le témoignage de l’Ecriture, et mépriser l’expérience de bien des croyants guéris miraculeusement. »
Le document souligne ensuite que les guérisons jouent un rôle unique dans le ministère de Jésus, comme attestation de sa messianité et de la dimension holistique de sa prédication du Royaume de Dieu. « Chaque guérison confirme la promesse de la victoire à venir sur le Mal, la mort et la maladie » (p. 4). Cette affirmation n’entraîne pas la « cessation » des guérisons avec la mort et la résurrection de Jésus. La mission de l’Eglise aujourd’hui est toujours « de s’engager dans une prière fervente et pleine de foi, en faveur des cas de maladie qui lui sont présentés » (p. 5), pourquoi pas en recourant à l’onction d’huile selon l’invitation de l’épître de Jacques au chapitre 5.
Des divergences
Le texte commun se termine par un paragraphe intitulé « Dons et guérisons » qui fait la place à quelques divergences entre évangéliques, plutôt sur la manière d’exercer cette forme de prière. Tout d’abord autour de la compréhension du terme « charismes de guérisons » (1Co 12.9, 30). Pour certains, il faudrait comprendre cette formulation de l’apôtre Paul comme des capacités accordées à une personne pour accomplir des guérisons. Pour d’autres, Paul parle là de manifestations de la grâce données à chaque fois par le Seigneur au peuple de Dieu, au travers peut-être d’une personne donnée. Cette nuance permet aux pentecôtistes des Assemblées de Dieu (ADD) d’affirmer qu’il n’est pas approprié de parler d’un ministère de guérison pour caractériser le service d’un homme ou d’une femme de Dieu, puisque l’essentiel par rapport à toutes ces manifestations, c’est que la gloire en revienne à Dieu seul (p. 9).
Une autre divergence suinte dans ce paragraphe, c’est le rôle de la prière pour la guérison dans des rencontres d’évangélisation. Pour certains, l’essentiel dans ces rencontres, c’est que le message du salut en Jésus-Christ soit au centre. La prière pour la guérison n’y a donc pas sa place. Par ailleurs, le caractère non systématique de la guérison viendrait nuire à la proclamation du message. Pour d’autres, la guérison a sa place dans de telles rencontres d’évangélisation.
Les réformés évangéliques, les plus en rupture
Six recommandations pratiques terminent la prise de position commune, au nombre desquelles le fait qu’une attention particulière doit être accordée aux personnes qui n’expérimentent pas la guérison. Le rappel aussi que les miracles qui accompagnent un enseignement ne constituent pas une preuve de sa vérité !
Dans la partie spécifiquement rédigée par des réformés évangéliques, il est précisé qu’aujourd’hui les représentants de ce courant récusent la position « cessassioniste », comme quoi, depuis Jésus et les apôtres, il n’y aurait plus de miracles dans l’histoire de l’Eglise. Ils considèrent par ailleurs qu’« aucun chrétien de peut prétendre recevoir de Dieu une parole d’autorité pour chasser une maladie ou pour déclarer guérie une personne atteinte d’une affection ». Il n’existerait pas non plus de ministère accompagné d’une grâce spéciale concernant la guérison (p. 14).
Ce qui est intéressant dans ce document, c’est cette unité de tous les évangéliques autour de l’importance d’intercéder pour la guérison. La personnalisation du don, sa pratique dans le cadre de rencontres d’évangélisation ainsi que les paroles d’autorité sur la maladie constituent toutefois des sujets de discussion et de divergence au sein du milieu.
Serge Carrel
Le texte du comité théologique du CNEF : La guérison miraculeuse.