Le premier thème qui est abordé lors de ce troisième congrès de Lausanne est celui de la vérité. Lors d’un repas que nous avons partagé, un délégué du Soudan me disait que si les chrétiens soudanais décidaient de relativiser la vérité ou de la diluer, l’Eglise disparaîtrait en quelques années. Que faire donc de cette vérité ? Pourquoi est-elle d’une importance fondamentale pour l’avenir de l’Eglise ?
Une vérité à redécouvrir
Le congrès « Lausanne III » nous dit qu'il est indispensable de redécouvrir la personne et l’œuvre du Dieu de la Bible, afin que les chrétiens soient en mesure de savoir qui est leur Dieu et ce qu’il attend d'eux. Lors du premier exposé biblique, le prédicateur Sri Lankais, Ajith Fernando nous a rappelé, par l’intermédiaire de la lettre de Paul aux Ephésiens, un point important : nous sommes exhortés à nous émerveiller devant la personne de Dieu et devant son œuvre en notre faveur, accomplie par le fils unique, Jésus-Christ. Cette première journée s’est terminée par un hommage au fondateur du Mouvement de Lausanne, le pasteur baptiste Billy Graham. Celui-ci nous a été présenté comme un homme qui, jusqu’au bout, à tout mis en œuvre afin que la vérité et rien que la vérité de l’Evangile soit proclamée au monde entier. En écoutant nos orateurs du jour nous avons constaté que la vérité n’a pas été oubliée et ne peut pas l’être !
La vérité doit être proclamée
Nous vivons dans un monde où de nombreuses religions attirent l’intérêt de la population mondiale. Cependant, est-ce une bonne raison pour modifier une partie de la vérité de l’Evangile, afin de ne pas offenser les adhérents à d’autres pensées religieuses ou philosophiques ? Nous reconnaissons qu’il nous faut respecter et aimer les personnes qui croient autrement. Une telle réalité requiert de notre part une attitude humble. Cependant, cela ne signifie pas que nous devrions renoncer à partager l’Evangile entier au monde entier.
Durant la matinée du mardi, nous avons eu la joie d’écouter des hommes et des femmes qui exercent un ministère d’évangélisation dans des contextes différents et difficiles. Ils nous ont dit que « nous ne pouvons pas taire l’Evangile, le proclamer est plus qu’une nécessité même si la prédication de la vérité doit s’accompagner de souffrance ». Mercredi matin, le pasteur baptiste américain John Piper a dit que le rôle de l’Eglise est de proclamer la mort de Jésus aux forces démoniaques (« les dominations et les autorités dans les lieux célestes », Ep 3.10).
Une telle démarche entraînera la souffrance de son peuple, mais John Piper ajoute dans sa prédication passionnée que Dieu se sert des souffrances de ses enfants pour faire avancer son Royaume.
Une prédicatrice pentecôtiste indienne a ajouté qu’il est important de proclamer la vérité dans un langage que les auditeurs puissent comprendre. Elle a expliqué que les cultes organisée dans son Eglise – fréquentée principalement par d'anciens musulmans – contenait une liturgie semblable à celle utilisée dans les mosquées. Mais elle a précisé que c’est l’Evangile qui était clairement enseigné lors des rencontres. A chaque fois que la vérité de l’Evangile est proclamée, il sera important de chercher à comprendre, aimer et donner un bon témoignage aux personnes concernées.
Une vérité qui doit être clarifiée
La question de la vérité est très importante, car ce qui a conduit à la rédaction de la déclaration de Lausanne et à la création du mouvement qui porte le nom de la capitale vaudoise, c’est justement ce désir de clarifier le cœur du christianisme, afin que les personnes puissent rencontrer le vrai Dieu.
Faisons un peu d’histoire. Depuis le XIXe siècle, des conférences missionnaires ont été organisées en Asie, en Afrique du Sud, en Amérique du Nord, au Mexique ainsi qu’en Angleterre. Celles-ci ont constitué des événements significatifs qui ont conduit à la mise en place de la conférence d’Edimbourg en 1910. Son objectif était l’évangélisation du monde. Ce congrès a rassemblé des représentants de toutes les Eglises protestantes. John Mott disait que la fin de cette conférence rimerait avec la conquête du monde ! Le comité qui avait organisé cette conférence a pris le nom de « Conseil missionnaire international ». Plus tard, en 1961, ce conseil est devenu le bras missionnaire du Conseil œcuménique des Eglises (COE).
Qu’est devenue la vision de la conférence d’Edimbourg ? Elle s’est progressivement perdue en raison des deux guerres mondiales qui ont provoqué la diminution des ressources financières, des collaborateurs et de la motivation. Mais le problème central a été théologique : la doctrine n’était pas une question prioritaire dans la réflexion missionnaire.
Ainsi, les participants à la conférence d'Edimbourg n'ont pas suffisamment réfléchi au contenu de l’Evangile, à l’ecclésiologie, à la nature de l’évangélisation... En même temps, la théologie libérale a pris de l’ampleur dans les facultés universitaires et elle a nié l’importance de la mission.
En 1932, un article a été publié par le philosophe d’Harvard William Hocking. Il était intitulé: « Rethinking Missions » (« Repenser la mission »). Il il a été surnommé « The schoking report Hocking » (« Le choquant rapport de Hocking »). Dans ce texte, Hocking a remis en question les points centraux de la mission protestante, tels que l’unicité du christianisme parmi toutes les autres religions et la nécessité de prêcher le salut personnel au monde entier. Ce rapport disait que le but de la mission n’était pas de « convertir le monde », mais de créer un monde meilleur. Le contenu de ce rapport est devenu central dans l’élaboration de la vision missionnaire du Conseil œcuménique des Eglises. En 1948, la mission n’était plus une grande priorité au sein du COE. A partir de 1960, la mission a été marginalisée et réduite à des considérations sociopolitiques.
En 1968, lors de la conférence mondiale du COE à Uppsala, il est devenu clair que les deux grandes mouvances du protestantisme ne pouvaient plus trouver un terrain d’entente. Beaucoup d’évangéliques ont quitté le Conseil œcuménique. La vision d’Edimbourg 1910 a donc disparu. Mais ce n’est pas un hasard si les responsables du congrès de « Lausanne III » ont désiré organiser cette rencontre en 2010...
La vision du mouvement de Lausanne ressemble « étrangement » à celle de John Mott en 1910, excepté le fait que la vérité évangélique est clairement définie et qu’elle ne sera pas altérée en raison des évolutions que connaissent nos sociétés.
Les organisateurs de « Lausanne III » ont choisi le thème: « Dieu était en Christ réconciliant le monde avec lui-même », car ils ont le désir d’équiper les leaders évangéliques du monde, afin que les Eglises et les œuvres chrétiennes soient en mesure de faire connaître le Christ au monde entier. Pourquoi donc faut-il à ce point insister sur l’importance de la vérité qui est présentée dans la Bible ?
Ce lundi, le penseur anglo-américain Os Guinness a répondu de manière magistrale à cette question. Il a dit qu’une haute considération de la vérité biblique honorait le Dieu de vérité, mais elle reflète également la manière dont nous venons à Dieu (Jésus est le seul chemin) et la façon dont nous l’aimons. Cette haute considération de la vérité nous donne la force nécessaire pour réussir dans nos projets avec Dieu. Elle nous permet d’annoncer avec assurance le message de l’Evangile et, nous dit-il, « elle suffit pour contrer l’hypocrisie et les mensonges qui déstabilisent l’Eglise ». Enfin, cette haute considération de la vérité biblique va nous aider à grandir dans la foi et va nous faire progresser dans la compréhension de celle-ci.
Une vérité qui doit être incarnée
Mais qu’est-ce que la vérité? Ou plutôt, qui est la vérité ? N’est-ce pas le Christ lui-même qui dit: « Je suis le chemin, la vérité et la vie ». Soyons des hommes et des femmes qui placent leur confiance dans le Dieu de l’Ecriture.
Lors de la soirée latino-américaine du mercredi, Samuel Escobar et René Padilla ont partagé la manière dont la notion de « mission intégrale » s’est développée lors des précédents congrès de Lausanne. A la fin de son intervention, le théologien argentin René Padilla a énuméré les défis futurs de l’Eglise. Il dit: « La globalisation conduit de manière dramatique à la destruction de la vie humaine et de l’écosystème... Le plus grand défi de l’Eglise n’est pas de faire des convertis, mais d’aider les chrétiens à obéir à toute la parole de Dieu ». Il est indispensable que les chrétiens mettent tout en œuvre pour devenir des disciples qui ne se conforment pas au monde présent. Toute l’Ecriture l'enseigne: notre Dieu désire que son peuple vive de manière différente. Le Christ appelle son peuple à la sainteté. L’Eternel dit: « Soyez saints car je suis saint » (Lé 19.2 et 1 Pi 2.11).
Dieu dit aussi à son peuple, par l’intermédiaire de Moïse: « Vous ne ferez pas ce qui se fait en Egypte où vous avez habité, et vous ne ferez pas ce qui se fait en Canaan où je vous amène ; vous ne suivrez pas leurs prescriptions ». Sur la montagne, Jésus parle des hypocrites et des païens et il dit à ses disciples: « Ne faites pas comme eux » (Mt 6.8). Jésus invite les disciples à être le sel de la terre et la lumière du monde. Il est fondamental que nous incarnions l’Evangile dans notre vie quotidienne, car c’est souvent lorsque les gens observent notre vie de foi qu’ils sont mieux disposés à s’intéresser à ce qui nous pousse à mener cette vie différente.
La vérité, un enjeu pour nos vies
Le Mouvement de Lausanne est conscient de l'existence d’un enjeu: la question de la vérité ne peut pas être négligée. Il en va de l’avenir de l’Eglise. Prenons le temps de redécouvrir l’identité et l’œuvre de ce Dieu qui, en Christ, a réconcilié le monde avec lui-même. Proclamons l’Evangile de manière fidèle, claire et pertinente. Agissons aussi par d’autres moyens, afin que ce Dieu de grâce – qui nous est présenté de manière si riche par Paul dans l’épître aux Ephésiens et dans le reste de l’Ecriture – soit manifeste dans nos vies... et que notre entourage puisse voir que Dieu existe et qu’il est vivant.
David Valdez