« Notre département ne fera pas de commentaire avant que les quelques cas litigieux soient tranchés par le Tribunal administratif », indique jeudi 12 février Cédric Waelti, porte-parole de la Direction du Département de l’environnement urbain et de la sécurité à Genève. Il rappelle que le Service de l’espace et de la sécurité public, dirigé par le conseiller administratif démocrate-chrétien Guillaume Barazzone, souhaite éviter toute forme de prosélytisme sur le domaine public, ce qui l’a amené à refuser certaines demandes de stands.
Arguments choquants, farfelus, problématiques
Pour Florian Baier, co-président du Parti évangélique genevois, la décision des autorités de la cité de Calvin est une véritable censure : « C’est flouer la liberté d’expression, la liberté de croyance, et c’est anticonstitutionnel », a-t-il exprimé lundi 9 février dans l’émission « En ligne directe » sur RTS La Première. « Un règlement existe sur la liberté d’expression à Genève sans qu’aucune restriction ne soit stipulée », lui a fait écho Rémy Pagani, un autre conseiller administratif genevois (Ensemble à gauche), désavouant ainsi Antonio Pizzoferrato, chef de la sécurité et de l’espace publics, pour qui « la liberté d’opinion et la liberté religieuse sont deux libertés distinctes ».
Cinq associations ont déposé plainte auprès du Tribunal administratif, dont deux émanent d’associations évangéliques. « En attente de ce jugement, la ville peut être plus ou moins stricte en ce qui concerne ces interdictions », commente Michael Mutzner, secrétaire adjoint du Réseau évangélique suisse (RES). « Les arguments de la ville nous ont cependant choqué », ajoute-t-il. Faire une distinction entre liberté d’opinion et liberté religieuse lui apparaît ainsi complètement farfelu, et le vocabulaire utilisé par la ville problématique : « Parler d’encombrement de l’espace public n’est a priori pas très positif face au religieux. Et le discours tenu n’est pas cohérent : certains partenaires auraient été avertis de cette nouvelle politique, mais pourquoi pas les stands évangéliques ? Heureusement, la ville a fait quelques exceptions autour de Noël. L’Armée du Salut a, par exemple, eu la possibilité de chanter des cantiques dans les rues, car cela a été jugé lié à une fête religieuse. Dans le même temps cependant, une des associations que nous accompagnons n’a pas pu être présente en décembre dans l’espace public avec boissons chaudes et bibles, alors que cela fait 20 ans qu’elle tient ce stand d’information sur Noël, sans jamais avoir posé de problème. »
Prosélytisme ?
Entre janvier et juin 2014, 134 demandes émanant de 18 associations ont été adressées à la ville de Genève. « Mais si vous demandez une autorisation pour 4 journées de présence, cela semble compter comme 4 demandes ou évènements, nuance Michael Mutzner. Le chiffre paraît énorme alors qu’en réalité, il s’agit de quelque chose qui est tout-à-fait absorbable par la ville », estime-t-il.
Dans leur argumentaire, les autorités genevoises indiquent aussi avoir décidé de ne plus délivrer de permissions d’occupation du domaine public « lorsque les activités participent du prosélytisme ». Or, afficher une conviction religieuse semble déjà être à proscrire, épingle Michael Mutzner.
Pour Rémy Pagani, la ville de Genève s’est fourvoyée en refusant la tenue de stands d’associations religieuses. « L’expression religieuse doit pouvoir être partagée et respectée par tous dans l’espace public », martèle enfin le secrétaire adjoint du RES.
Gabrielle Desarzens