« La rencontre des chrétiens persécutés, quand tu peux les serrer dans tes bras, prier avec eux, cela reste exceptionnel ! » Eric Lecomte, 65 ans, est directeur de l’ONG Portes Ouvertes Suisse depuis 2007 et jusqu’à fin septembre. « Je vois ces personnes comme des vases brisés, selon l’expression que je trouve dans ma Bible (2 Corinthiens 4 ndlr), mais avec des trésors en termes de foi, de relation à Dieu et de solidarité, témoigne-t-il. Je ne lis plus les évangiles de la même façon. »
Persécution identitaire
En dix ans, la persécution a changé de visage, estime-t-il. Elle était principalement liée à la foi de la personne, à la visibilité de l’Eglise ? Elle est aujourd’hui de plus en plus identitaire. « Cela signifie que même si tu ne pratiques pas, tu peux risquer ta vie parce que tu es chrétien, juif ou musulman sur tes papiers d’identité », souligne-t-il. C’est le cas des chrétiens au Moyen-Orient ou au Nigeria, par exemple. C’est aussi le cas des Ouighours musulmans en Chine. « Certes, mais les Ouighours qui se convertissent au christianisme sont doublement persécutés : par les autorités chinoises et par leurs pairs ! »
Persécution en augmentation
Selon Eric Lecomte, plusieurs fondamentalismes se sont affirmés pendant son mandat, comme l’extrémisme islamique dès les années 1990. « Puis, avec les printemps arabes et après l’espoir immense qu’ils ont suscité en termes de démocratie, les chrétiens mais aussi les yézidis et d’autres minorités religieuses ont rapidement été victimes des djihadistes du groupe Etat islamique. » L’ONG dresse chaque année un index mondial de la persécution des chrétiens. « Or on voit que celle-ci a largement augmenté ces dernières années, ne serait-ce qu’en regard des pays concernés qui sont de plus en plus nombreux. » Selon Portes Ouvertes, les chrétiens sont aujourd‘hui la communauté religieuse la plus persécutée dans le monde : près de 215 millions d’entre eux souffrent de persécution sévère dans 50 pays, peut-on lire sur le site internet de l’organisation. « L’Inde abrite 70 millions de chrétiens qui sont principalement des intouchables, cite en exemple Eric Lecomte. Ils trouvent en Christ un nouveau statut... mais sont du coup considérés comme des traitres à la religion majoritaire hindoue et aujourd’hui sont davantage encore discriminés. En Iran, les Eglises de maison augmentent en nombre et posent problème aux autorités du pays qui ont le sentiment de ne plus pouvoir contrôler ce christianisme qui s’étend. Les musulmans qui se convertissent à l’Evangile risquent du coup beaucoup pour leur vie. »
Offre de formations
Si le fondateur de Portes Ouvertes, Frère André, amenait dès 1955 des bibles dans les pays communistes, tous fermés au christianisme, l’ONG offre aujourd’hui différents programmes de formation, du cours d’alphabétisation à l’apprentissage de métiers pratiques. « A chaque fois, on se rend sur le terrain, on discute des problèmes de base et on regarde comment venir en aide de la façon la plus adéquate. L’objectif est resté le même : on encourage l’Eglise, les chrétiens où ils sont », commente Eric Lecomte. L’ONG soutient ainsi aussi des programmes de radios et de télévisions.
Opération « Perle »
Une expérience marquante en dix ans d’activité ? Le directeur réfléchit, puis évoque la célébration en 2015 à Hong Kong de l’opération « Perle », qui avait acheminé en 1981 un million de bibles. « Il y avait là les marins qui avaient participé à l’opération, de même que les bénéficiaires de la cargaison de l’époque : ce fut un moment hyper fort ! » Autre souvenir émouvant : le désir de la Roumanie qui, après avoir été soutenue par l’ONG pendant ses années de communisme, décide de se mettre au service des nouveaux chrétiens persécutés. Après l’Autriche, elle est depuis 2015 le deuxième pays en Europe à connaître une antenne de Portes Ouvertes Suisse.
« Dieu est un grand Dieu ! »
« Ce que j’ai vécu à Portes Ouvertes et tous les témoignages des chrétiens persécutés que j’ai entendus renforcent ma conviction que Dieu est un grand Dieu », souligne encore Eric Lecomte. Membre d’une Assemblée chrétienne à Lausanne (assemblée des Trois-Rois ndlr), il laisse sa place à Philippe Fonjallaz, membre de l’Eglise réformée du Mont-sur-Lausanne.
Gabrielle Desarzens
Le site de l'ONG Portes Ouvertes.