« La Suisse, une nation chrétienne ? », une première pierre du Réseau évangélique pour clarifier un débat

jeudi 30 octobre 2014

L’engagement chrétien dans la société et dans le politique est un sujet chaud en milieu évangélique. Il est la source de divergences considérables. Au travers d’un document intitulé La Suisse, une nation chrétienne ?, le Réseau évangélique risque une carte des positions. Stimulant.

Le Réseau évangélique suisse (RES) vient de publier une brochure intitulée : La Suisse, une nation chrétienne ? Elle est signée du théologien Marc Schöni, pasteur dans l’Eglise évangélique baptiste de Court dans le Jura bernois. Dans cette brochure, Marc Schöni effectue une présentation du débat qui traverse le milieu évangélique par rapport à sa présence dans le monde politique. Comme le préambule le relève, il ne s’agit pas d’une prise de position, personnelle ou du RES, mais d’« un outil pour alimenter la réflexion et le débat sur cette thématique, ainsi que pour en mesurer les enjeux » (p. 7).

Un propos en trois temps

Le propos se déploie en trois temps. Il s’agit tout d’abord de relever les convergences entre évangéliques : la Suisse n’est pas une nation chrétienne, les évangéliques n’ont pas à rester reclus dans leurs chapelles et le Royaume de Dieu n’est pas de ce monde. Après ces trois affirmations très générales, Marc Schöni développe autour de deux axes les divergences qui traversent le milieu évangélique sur sa présence dans le monde politique. Il y a tout d’abord celui de la « destinée manifeste ». Au sein des nations, la Confédération helvétique aurait-elle un rôle spécifique à jouer ? Certains évangéliques l’affirment et déploient même une sorte de « messianisme suisse » qui ferait de notre pays une nation particulière avec un rôle propre. Le second axe de divergence, Marc Schöni l’articule autour du concept théologique de Loi divine. La manière dont on appréhende la Loi en milieu évangélique induirait une présence particulière dans la sphère politique. Si la Loi de Dieu est centrale dans notre théologie, nos revendications pour une application de cette Loi dans la sphère sociale et politique serait forte ; si elle joue un rôle moins important, il y a de fortes chances que nos revendications pour une christianisation de la société soient faibles.

En final des questions à approfondir

La troisième partie de la brochure La Suisse, une nation chrétienne ? se penche sur des questions à approfondir : notre rapport à la culture d’un pays, notre manière d’interpréter la Bible et notamment la place que l’on fait à la Loi de l’Ancien Testament dans notre manière de façonner la foi chrétienne aujourd’hui. En final, Marc Schöni propose aux évangéliques de travailler leur manière de percevoir l’histoire suisse : 1291, est-ce vraiment une date clé pour notre pays ou faut-il plutôt voir les origines de la Suisse dans cet Etat qui s’est constitué au XIXe siècle, suite aux affrontements religieux qui l’ont marqué ? Le théologien du Jura bernois invite également à un travail de l’histoire protestante : les évangéliques du XXIe siècle sont-ils plutôt les héritiers de la réforme anabaptiste du XVIe ou de Calvin, via les Eglises réformées de ce pays ?

L’interprétation de la Bible au cœur du débat

Dans ce débat autour de la présence des évangéliques dans la sphère politique, il y a une cohérence et une continuité à souligner. En fait, on pourrait dégager deux positions types qui ont chacune leur cohérence propre. Si, au sein de la famille évangélique, vous comptez plutôt parmi les littéralistes (compréhension de la création de Genèse 1 en 6 jours de 24h, valorisation de la continuité entre les deux Testaments, rôle important de l’Israël contemporain dans l’histoire du salut…), vous avez de fortes chances de valoriser l’enracinement judéo-chrétien de la Suisse contemporaine et de souhaiter que la Loi de Dieu s’applique de manière plus ou moins directe à notre société. Concrètement, vous voterez UDF et serez impliqués dans Prière pour la Suisse.

A l’opposé, si vous valorisez une lecture de la Bible non littérale (compréhension de Genèse 1 de manière littéraire, prise en compte du mouvement du texte et de son inscription dans l’histoire du salut…), vous valoriserez l’Eglise de Jésus-Christ comme une société supra nationale. Par ailleurs, vous considérerez comme fondamentale la nouveauté qu’apporte le Christ par rapport à l’Ancien Testament et vous accorderez une grande importance au Sermon sur la montagne. Il y a de fortes chances que vous plaidiez pour que l’Eglise locale soit un lieu de vie alternative et prophétique. Vous n’aurez pas de revendications particulières à l’endroit de la société, sinon celles de permettre à chacun de vivre dans la paix et d’être libre de professer ses convictions et d’en changer. Concrètement vous investirez dans votre Eglise locale pour un témoignage vivant à Jésus-Christ et les membres de votre communauté seront invités à s’engager dans la société et dans la joute politique avec leurs convictions, sans penser qu’il existe une société ou même une politique chrétienne.

Entre ces deux pôles, toutes sortes de positions se déclinent.

Une clarification du débat

La brochure de Marc Schöni permet de clarifier ce débat. Le printemps dernier, la vivacité du débat autour de l’événement The Call Geneva en a attesté ! Lorsqu’il est possible de prendre un peu de distance et de débattre des différences, on se rend compte que le milieu évangélique est extraordinairement divisé sur ce sujet. Une première pierre à un dialogue et à un débat plus serein a été posée. Merci à Marc Schöni et au Réseau évangélique d’avoir risqué cette démarche.

Serge Carrel

Marc Schöni, La Suisse, une nation chrétienne ? Genève, Réseau évangélique suisse, 2014, 72 p. Prix : 12.- A commander à : info@evangelique.ch.

  • Encadré 1:

    Un débat propre à un régime de chrétienté ?
    Il y a une chose que l’on peut déplorer à propos de la brochure de Marc Schöni La Suisse, une nation chrétienne ?, c’est qu’elle ne fait aucune place au moment particulier où se déroule ce débat. En 2014, un discours qui s’interroge sur la place de la Loi de Dieu dans notre engagement social et politique, est-il toujours pertinent ? Est-il même toujours envisageable avec 4 pour cent d’évangéliques dans la population helvétique ?
    Avec leur perception d’une Suisse profondément marquée par le judéo-christianisme, nombre d’évangéliques ne se rendent pas compte que leur pays a profondément changé. Nous vivons en post-chrétienté. Notre société n’a plus rien à faire d’une vision chrétienne du monde et renvoie les évangéliques à leurs études, lorsqu’ils tiennent des propos visant à christianiser une société profondément matérialiste et prête à donner toute liberté à l’individu pour conduire son existence, moyennant que cela n’empiète pas sur la liberté d’autrui. Dans ce contexte, un débat qui s’articule uniquement autour du thème de la Loi, ne fait-il pas qu’entretenir une chimère ? Une vision de la Suisse qui ne peut être que nostalgique, voire réactionnaire ? L’Eglise des trois premiers siècles ne s’interrogeait pas sur le rôle de la Loi dans la construction de la société. Elle a vécu l’Evangile et sa manière de vivre a induit des changements profonds dans le quotidien et la vision du monde de nombres de personnes. Etre minoritaires… et en être conscients jusque dans sa chair n’était pas considéré comme une catastrophe !

    SC

Serge Carrel

Serge Carrel est au bénéfice d’une formation double: théologique et journalistique. Après dix ans de pastorat en France et en Suisse romande, il a travaillé huit ans comme journaliste aux émissions religieuses de la RTS. Aujourd’hui formateur d’adultes et journaliste en lien avec la Fédération romande d’Eglises évangéliques (FREE), il essaie de tirer le meilleur parti de ce double ancrage. Que ce soit dans le cadre du FREE COLLEGE, de lafree.ch, de Vivre ou de la fenêtre chrétienne de MaxTV.

Formation reçue

Master en théologie (UNIL, 1986)
Centre romand de formation des journalistes (RP, 1996)

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