Le samedi 30 septembre, 5 intervenants ont pris la parole lors de la journée d’études consacrée aux 200 ans du Réveil dans l’Eglise évangélique de la Pélisserie (FREE) à Genève. Quelque 80 personnes sur l’ensemble de la journée sont venues écouter et partager l’émotion de conférenciers qui ont montré la richesse d’un mouvement dont on sous-estime la portée aujourd’hui.
L’ancien directeur de l’Institut biblique et missionnaire Emmaüs, Marc Lüthi, a dressé en ouverture le contexte dans lequel est intervenu le Réveil et les acteurs concrets, les étudiants en théologie Ami Bost, Emile Guers et Henry Empeytaz, qui, suite à leur éviction par les autorités de l’Eglise réformée, ont fondé la première Eglise évangélique indépendante de l’Etat à Genève : l’Eglise du Bourg-de-Four, ancêtre de l’Eglise évangélique de la Pélisserie.
Félix Neff, un évangéliste intégral
Avec beaucoup de passion et d’émotion, Joerg Geiser, ancien pasteur de l’Eglise de la Pélisserie, a ensuite retracé le parcours de Félix Neff, un militaire qui en 1818, suite à la lecture d’un traité « Le miel découlant du Rocher », dont un exemplaire a circulé dans la salle, s’est converti à Jésus-Christ. A 23 ans, avec deux années de vie chrétienne derrière lui, il parcourt la Suisse romande jusqu’à Bâle pour y inviter à découvrir la richesse de l’Evangile de Jésus-Christ.
En 1823, Félix Neff poursuit son ministère dans les Hautes-Alpes, dans la vallée de Freissinières. Non seulement, il y annonce l’Evangile, mais il en témoigne de manière concrète auprès des habitants pauvres de cette vallée reculée. Améliorations dans la culture de la pomme de terre, mise en place de canaux pour l’irrigation des cultures, création d’une école normale pour la formation des enseignants… « Il souhaitait être un nouvel Oberlin », a souligné Joerg Geiser. Ce passionné de Félix Neff a terminé son intervention en projetant le dernier billet écrit par l’évangéliste des Hautes-Alpes, alors qu’il est atteint de tuberculose pulmonaire. Sur ce billet, on pouvait lire : « Victoire, victoire, victoire par J.C. » Félix Neff meurt le 12 avril 1829. Il avait 32 ans.
Louis Gaussen, le théologien
Avec l’intervention suivante autour du théologien Louis Gaussen, on entre dans un autre monde. Jean Decorvet, recteur de la HET-PRO à Saint-Légier (VD), souligne que celui auquel il a consacré sa thèse de doctorat est un pasteur réformé de la même génération que les Guers, Empeytaz ou Ami Bost à l’origine du premier Réveil de Genève. Mais lui est consacré dans l’Eglise réformée et y reste jusqu’à son éviction. Louis Gaussen est une figure du second Réveil, un Réveil moins populaire que le premier, qui touchera une certaine élite patricienne de la société genevoise. Ce Réveil aura un impact extraordinaire, notamment grâce à la mise en place en 1831 de la Société évangélique de Genève, qui développera plusieurs départements : le colportage biblique, l’évangélisation, la formation de missionnaires et… une faculté de théologie !
Le Réveil authentique : à la fois vertical et horizontal
En début d’après-midi, le pasteur Philippe Decorvet a développé les conséquences sociales du Réveil de Genève. Soulignant que le Premier Réveil était « plus conversioniste que social », il a relevé que le second développera son impact sur toutes les sphères de la vie humaine. « Dans tout vrai Réveil, souligne-t-il, les fidèles devraient passer par deux conversions, une verticale et une horizontale, une conversion à Dieu et une conversion au prochain ».
Dans le Réveil de Genève, la conversion au prochain s’est signalée tout d’abord par un engagement sanitaire marqué au profit de la population. Dans le canton de Vaud, la création des diaconesses de Saint-Loup a permis l’installation d’infirmières dans chaque district du canton. En France, l’un des fils d’Ami Bost, John Bost, a témoigné de son souci pour les malades, les pauvres et les handicapés en fondant une dizaine d’asiles, notamment à la Force près de Bergerac. Cette institution accueillera dans une infrastructure « sans mur » entre autres des handicapés mentaux. Tout cela grâce aux fonds libérés par les chrétiens eux-mêmes, sans aucun aide de l’Etat.
Philippe Decorvet a ensuite retracé le lancement de la Croix-Rouge grâce aux initiatives de Henry Dunant et à la bonne gestion de Gustave Moynier. Il a aussi souligné combien des familles ou des individus avaient été marqués par « cette rencontre de Dieu qui amène à retrouver le prochain ».
« Que faites-vous de votre histoire ? »
Le sociologue Philippe Gonzalez, maître de recherches à l’Université de Lausanne et fin connaisseur des milieux évangéliques, a terminé le cycle de conférences en demandant aux Eglises de la FREE et aux autres Eglises issues du Réveil de Genève ce qu’elles faisaient de cet événement. « Que faites-vous de votre histoire ? » a-t-il lancé en commentant le fameux « Souvenez-vous » d’Exode 13.3. Pour ce sociologue, « se raconter des histoires » est constitutif de toutes les familles d’Eglises. Cette activité peut remplir trois fonctions : tenir ensemble, s’enfermer dans son histoire et devoir la dépasser. Cela peut aussi constituer une source d’inspiration pour s’orienter vers l’avenir.
Au vu d’un des derniers dossiers Vivre publié par les éditions Je Sème, Eglises et ministères (1), le sociologue lausannois a constaté que l’histoire du Réveil avait un faible impact sur la manière dont les théologiens de la FREE menaient leur réflexion. « Montrez-nous en quoi votre histoire fait une différence dans votre manière de faire de la théologie ! » a-t-il invité.
Serge Carrel
Le FREE COLLEGE propose des ressources pour aller plus loin dans la découverte du Réveil de Genève. Les différentes conférences seront bientôt à disposition sous forme audio.
Note
1 Cédric Chanson, Valentin Cruchet… Eglises et ministères. Un défi pour les Eglises évangéliques de Suisse romande issues du Réveil de Genève (1817-2017), Dossier Vivre no 39, Saint-Prex, 2016, 146 p. A commander ici.