Aurions-nous seulement imaginé en être là où nous en sommes aujourd’hui, à fin janvier 2020 ou même au printemps ou en plein été dernier ? Englués et limités à ce point ?
Voici presque une année que nous sommes empêtrés dans « la crise du covid19 », impactés plus ou moins sévèrement à titre personnel, familial, professionnel, social, sociétal, ecclésial, associatif, peut-être sur le plan de la santé même, avec des conséquences durables, ou encore après avoir perdu un ou des proches que vous aimiez et qui vous aimaient, ou encore sur le plan financier avec une diminution de vos ressources et / ou de vos éventuelles réserves.
Nous en avons marre !
Pour d’autres (ou les mêmes), c’est le manque de relations humaines, de projets, de liberté de mouvement, de perspectives d’avenir ou encore l’extrême pauvreté de l’offre culturelle et sportive, et peut-être tout ça combiné, qui pèse cruellement.
Certains s’inquiètent pour leurs parents âgés, isolés, d’autres (et parfois les mêmes) sont en souci pour les mondes estudiantin ou professionnel si fragilisés, dans lesquels leurs enfants à peine adultes peinent à entrer sereinement, et discernent des lendemains difficiles comme jamais de leur vivant.
Et il semble bien que même une large vaccination (aux dimensions déjà bien ralenties par des problèmes logistico-stratégiques) ne résoudra hélas de loin pas tout. Des mutations du virus pourraient remettre en cause ou différer sa couverture effective.
Avec la redéfinition de nos libertés et responsabilités individuelles et collectives, nous avons beaucoup perdu en facilités, en légèreté et en insouciance. Voici notre patience, notre tolérance, notre faculté d’adaptation et de résilience mises à rude épreuve. Nous en avons marre !
Au cœur de la tempête
Et sur le plan de la foi, avec quoi cela rime-t-il ? Que reste-t-il de nos réponses toutes faites et un peu faciles ou légère du début ?
Sous nos cieux jusqu’ici plutôt cléments, nous avions pris l’habitude de l’observation à bonne distance et d’une solidarité de circonstances, ne pensant pas que nous aussi nous pourrions nous retrouver une fois « au coeur de la tempête » (et nous bénéficions en Suisse de privilèges rares dans le monde et l’histoire de l’humanité). Mais nous y sommes, à n’en pas douter.
L’observateur, et modeste commentateur des aléas de l’existence, que je suis aimerait rivaliser de bons mots, d’inventivité, de ressources toutes plus modernes les unes que les autres, de sages formules et autres savantes analyses. Mais je n’en ai pas les forces, ni l’envie. Un peu de fatigue sans doute, et du réalisme aussi.
Alors, là, que (nous) reste-t-il ?
Le déni ?
Nous avons probablement tous et toutes tenté le déni en premier recours, ne pouvant croire à ce qui nous était annoncé, prédit… mais le déni n’a servi et ne servira jamais à rien, parce que la réalité des choses (et en particulier la réalité de la souffrance) ne dépend pas de nos schémas, projections et autres protections intérieures (« nos doudous », me disait une chère collègue). La réalité des choses existe extérieurement à nous et nos constructions alternatives ne suffisent pas à la changer. En un sens, ça nous remet à notre place. Nous ne sommes pas maîtres des circonstances. En un sens, nous subissons plus que nous n’influons sur le cours des évènements.
La plainte et la complainte ?
Plaintes et complaintes ont leur place dans notre vie de foi (à l’instar du prophète Jérémie, célèbre, entre autres, pour ses lamentations, ou encore du témoignage de bien des Psaumes parfois trop laissés de côté). Elles nous permettent de nous exprimer en « je » ou en « nous », et il y a probablement des choses à redécouvrir ici seul.e, en couple, en famille, entre amis, en Église. Juste reconnaître et exprimer que ça ne va pas, pas du tout même, et que l’on a autant besoin de le dire, de le crier ou de le murmurer que l’on a besoin d’être secouru.e par plus grand et puissant que soi. Voilà qui nous décentre.
L’acceptation ?
L’acceptation est nécessaire, salutaire, décisive. De là nous pouvons, nous pourrons repartir, reconstruire, autrement, patiemment, en conscience. « Seulement, au point où nous sommes parvenus, marchons ensemble » (Philippiens 3.16). Il y a donc la route faite jusqu’ici, puis un évènement qui intervient et dont nous sommes plus ou moins partenaires, observateurs ou complices, et ensuite la route à faire encore, à partir de là, mais autrement, avec de nouvelles ressources, de nouvelles priorités, de nouvelles envies (comment ne pas mentionner ici le magnifique récit des deux disciples d’Emmaüs dans l’évangile de Luc au chapitre 24, qui vivent quelque chose d’analogue).
L’action ?
«Faites pour les autres tout ce que vous voulez qu’ils fassent pour vous : c’est là ce qu’enseignent les livres de la loi de Moïse et des Prophètes » (Matthieu 7.12). Faire le bien pour les autres, dans la solidarité concrète avec les plus durement impactés à chaque fois que l’occasion se présente (« la religion pure et sans tâche » dont parle l’apôtre Jacques en 1.27), très modestement ou massivement en fonction de nos possibilités, « car si l’on y met de la bonne volonté, Dieu accepte le don offert, en tenant compte de ce que l’on a et non de ce que l’on n’a pas » (2 Corinthiens 8.12). Le principe de l’action détaillé ici pour une solidarité financière me semble valoir pour toutes les solidarités concrètes que nous pouvons imaginer ou voir se présenter à nous. Et je pressens que les mois à venir nous en donneront de multiples occasions, probablement à notre porte même. Serons-nous au rendez-vous ?
L’espérance alors ?
L’espérance surtout ! Qui nous fait agir en ce monde sans rien négliger de celui qui vient et où, aussi (d’abord !), nous devrions placer nos billes, nos ambitions. « Si nous avons mis notre espérance dans le Christ uniquement pour cette vie, alors nous sommes les plus à plaindre de tous les êtres humains » (1 Corinthiens 15.19). Notre foi en Christ nous pousse à regarder plus loin, vers ce qui dure toujours, « ce qui de loin est le meilleur » (Philippiens 1.23 ; comparer avec 2 Corinthiens 5.6-10), tout en investissant dans ce monde-ci qui, pour Dieu, déjà, consiste en un Royaume à développer.
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Sachant bien que nul d’entre nous ne sait de quoi demain sera fait, que le Dieu fort nous soit en aide et nous renouvelle les ressources de Sa grâce.