Des paysans chrétiens apportent «devant le trône de la justice de Dieu» les «spoliations» dont ils sont victimes

Serge Carrel lundi 02 mars 2020

Ça gronde dans le monde paysan ! Samedi dernier, quelque deux cents personnes ont participé à la Rencontre régionale des paysans à Corcelles-Payerne. Sensibilisés à la « spoliation » dont ils sont victimes lors des taxations pour arrêt d’exploitation, certains devraient se retrouver début mai pour demander à Dieu d’intervenir contre cette injustice.

« Mes enfants sont très fâchés parce que nous avons un bien en commun et nous ne pouvons rien en faire ! » Geneviève sert des gâteaux faits maison à l’entrée de la Grande Salle de Corcelles-Payerne. Quelque deux cents personnes participent en ce samedi 29 février à la rencontre régionale des paysans et métiers de la terre, sous le parrainage de la Schleife, une fondation chrétienne de Winterthour. Le thème de la journée : « Un pour tous, tous pour un, tous en un ».

Un changement dans la taxation des successions

« En 2014, poursuit Geneviève, nous souhaitions transformer notre ferme avec ses nombreux volumes vides pour en faire des appartements. A cause des changements en matière de fiscalité agricole, nous avons renoncé à toute transformation, en sachant que mes enfants allaient ‘casquer’, alors qu’ils n’ont pas les moyens et que je les mettrais dans la ‘dèch’ ! »

Geneviève habite la Broye vaudoise. Veuve voilà 23 ans, elle reprend seule la gestion d’un domaine d’une vingtaine d’hectares avec l’aide d’un voisin. Il y a 10 ans, elle arrête d’exploiter son domaine, fatiguée, sans que son fils reprenne l’activité. Elle a alors 60 ans et découvre que le Tribunal fédéral a publié un arrêt qui impose à 50 pour cent le passage des biens agricoles de la fortune commerciale à la fortune privée, lors d’une cessation d’activité ou d’une donation.

« C’est une injustice, ajoute Geneviève. Je suis aujourd’hui à la retraite et je vis très simplement, uniquement avec ma rente AVS. J’arrive bientôt au bout de mes réserves et je ne pourrai pas bénéficier des revenus de notre propriété. » Le montant d’impôts qui tomberait sur cette famille en cas de modification de l’affectation des locaux de la ferme familiale précariserait la situation de cette femme engagée dans la foi et de chacun de ses quatre enfants.

Présenter le cas devant Dieu, le juste Juge

Sensibilisé à cette « spoliation » par son travail de contact et d’aumônerie dans le monde agricole, Jean-Michel Rey, coordinateur de l’association chrétienne « Solidarité paysans Romandie » et membre du comité d’organisation, a présenté une démarche originale aux participants à la journée de Corcelles-Payerne. Devant le nombre de ces paysans vaudois notamment, « qui se font piquer leur ferme par l’Etat », il organisera une journée de repentance et de prière le 9 mai prochain à Gland pour apporter cette affaire « devant le trône de justice de Dieu ».

11d84269 a8c2 4ab1 b230 a1ad48edf7eb« Nous avons décidé de mener à bien cette démarche, explique Jean-Michel Rey, alors que nous nous trouvions dans la Drôme cet hiver pour quelques jours de retraite avec des couples de paysans de notre région. » Ensemble, ils ont eu l’idée d’accomplir un acte symbolique. Dans son intervention du 29 février, Jean-Michel Rey a présenté aux quelque deux cents représentants de familles paysannes présentes un petit genévrier tout sec, « symbolisant un peuple qui est en train de mourir ». En guise de signe d’espérance, il a invité tous les participants à nouer un brin de laine verte. « Nous sommes convaincus que, face à l’enlisement de cette situation, nuisible à nombre de familles paysannes, cette démarche fera la différence », ajoute le coordinateur de Solidarité paysans Romandie.

Une démarche qui veut appuyer GRIEF

Pour montrer l’ampleur du problème et renforcer la prise de conscience des participants, les organisateurs de cette conférence régionale ont fait intervenir un représentant de l’association GRIEF (Groupement de revendication pour une imposition équitable des immeubles familiaux agricoles). L’agriculteur Michel Pécoud, son coprésident, a expliqué qu’en 2011, au moment de la sortie de l’arrêt fédéral concernant l’imposition des successions agricoles, les politiciens n’avaient pas compris ce qui se passait. « Nous avons assisté à la confiscation de biens familiaux », a-t-il lancé. Il a ensuite invité les paysans à s’indigner devant le traitement qui leur était imposé et à lutter ensemble pour faire reconnaître cette erreur. « La lutte pourra être longue, a-t-il conclu, mais nous y arriverons ! »

Pour Jean-Michel Rey, l’association GRIEF a les compétences juridiques, et les paysans chrétiens l’accès au grand Juge. « Début mai, nous irons trouver le Seigneur avec cette affaire de taxation injuste, puis, suivant le résultat, nous pourrions faire la même chose avec d'autres injustices et elles sont nombreuses ! »

Serge Carrel

Voir l'émission « Paysans sous pression » du magazine « Mise au point » de RTS Un»,  le 5.11.2017.

  • Encadré 1:

    « Nous ne pouvons pas aider un paysan en détresse si nous n’intervenons pas sur l’injustice ! »

    Coordinateur de Solidarité paysans Romandie, l’entrepreneur social Jean-Michel est à l’écoute du monde paysan depuis quelques années. Il explique les raisons qui l’ont mis en route pour lutter contre cette nouvelle taxation des successions dans le monde paysan.

    Qu’est-ce qui vous met en route pour lutter contre l’injustice de cette taxation fiscale ?

    Rey CorcellesDe par nos contacts avec le peuple paysan, nous avons rencontré des agriculteurs en détresse, parce qu’ils se faisaient « piquer » leur ferme. Nous ne pouvons pas aider un paysan en détresse si nous n’intervenons pas sur l’injustice. Nous ne pouvons pas juste le consoler, lui remonter le moral, prier trois fois pour lui… ça n’a pas de sens ! Il faut corriger cette injustice.

    Nous nous sommes dit que nous devions faire quelque chose de plus grande envergure pour corriger cette injustice, qu’il fallait aller au tribunal et que nous devions préparer un dossier… et Dieu nous a mis en relation avec GRIEF (1), alors que nous ne savions pas que cette association existait. GRIEF a la compétence et le réseau pour travailler sur le dossier juridique et nous avons un contact privilégié avec le juste Juge !

    On parle beaucoup de l’augmentation des suicides dans le monde agricole. Une telle injustice en entraîne-t-elle ?

    Nous connaissons des paysans qui nous ont dit qu’au moment où ils recevraient leur taxation, ils se suicideraient. Comme actuellement la situation est flottante et que personne n’a le courage du côté de l’Etat de leur envoyer la facture, ils sont toujours vivants. Ces gens n’ont pas d’issue, parce qu’ils ne peuvent pas payer.

    Ce qui est aberrant, c’est que nombre de ces paysans vont devoir hypothéquer leur ferme ou la vendre pour payer l’impôt. Ensuite, ils n’auront plus de maison et devront se loger. Comme ils n’ont plus d’argent, ils devront faire appel à l'aide sociale. Donc on leur « tape des ronds » injustement, puis on devra payer pour eux lorsqu’ils seront à l'aide sociale. On marche sur la tête ! On leur a dit toute leur vie que leur ferme était leur deuxième pilier, alors de quel droit leur prend-on ce deuxième pilier ?

    Qu’attendez-vous pratiquement de votre démarche spirituelle du 9 mai ?

    Nous allons tout simplement nous présenter devant Dieu d’abord avec un temps de repentance. Puis nous lui dirons : « Tu vois, ce que nous vivons n’est pas juste. Tu as dit que tu t’occupais de ce genre d'affaires. Alors on attend de toi que tu fasses quelque chose ! » Je me réjouis de voir Dieu se lever et faire quelque chose… Je ne peux pas croire que Dieu ne fasse rien !

    Propos recueillis par SC

    Note
    1 Groupement de revendication pour une imposition équitable des immeubles familiaux agricoles. Leur site.
  • Encadré 2:

    Les Rencontres régionales des paysans et métiers de la terre

    Une année sur deux, des comités locaux organisent des « Rencontres régionales des paysans et métiers de la terre » en lien avec la Conférence des paysans mise en place par la fondation chrétienne de la Schleife à Winterthour.

    Le 25 janvier avait lieu à Tavannes la première de ces rencontres régionales en Suisse romande. La seconde a eu lieu samedi dernier à la grande salle de Corcelles-Payerne en présence de quelque 200 personnes.

    La journée a été présidée par Jean-Michel Chevalley, agriculteur et pasteur au Gospel Center Oron. Divers orateurs sont intervenus, parmi lesquels Michel Pécoud, coprésident de l’association GRIEF, Philippe Jobin, député et chef du groupe UDC au Grand Conseil vaudois, Philippe Corthay, œnologue, Gabrielle Bussard, vendeuse dans un magasin bio, Sylvain et Karine Thévoz, agriculteurs et animateurs d’un jardin en permaculture participative…

    La fondation chrétienne de la Schleife chapeaute ces rencontres. Localement, des comités les organisent. Pour celle de Corcelles-Payerne, l’association Solidarité paysans Romandie était très impliquée.

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