A 51 ans, Catherine Berney ne chante plus en public. La musique n’en reste pas moins essentielle dans sa vie; et c’est au moyen de son chœur Laudate Deum qu’elle vit et communique qui elle est et ce qu’elle croit. Les quatre séries de concerts qu’elle met chaque année sur pied sont à chaque fois des moments de grande émotion.
Une nouvelle approche des requiem
« J’ai toujours été dérangée par les textes des requiem où l’on prie pour les morts. Mais depuis que j’ai vécu des morts proches, notamment la mort brutale de mon frère, j’ai réalisé que j’avais envie de prier pour lui. Oui, j’ai compris que j’avais envie de parler à Dieu des personnes que j’ai aimées et qui sont parties. » Depuis cette séparation, Catherine Berney a pu aborder les requiem de façon différente. « Et j’ai eu un immense bonheur à travailler ce Requiem de Mozart et à écouter le chœur le chanter! »
Les 80 chanteurs de Laudate Deum viennent d’horizons divers. « Ils sont totalement différents les uns des autres, c’est fabuleux. Il y a des jeunes de 20 ans et des plus âgés, jusqu’à 70 ans, et toutes ces voix ont des couleurs bien spécifiques. C’est la rencontre de ces différences qui donne une teinte magnifique. » Et cette femme de poursuivre avec flamme : « Quelqu’un qui chante la passion du Christ le fait avec ce qu’il vit, avec ce qu’il comprend aujourd’hui de sa vie, de Dieu. Et on est tous en chemin. On a tous besoin de comprendre le sens de sa destinée, de comprendre Celui que l’on peut appeler le « Tout Autre ». Et là, la musique nous parle. Elle peut nous blesser, mais elle peut nous aider à comprendre qui l’on est et nous guérir. »
Des « kreuzige » qui deviennent coups de marteau
Des expériences fortes vécues au moyen de la musique, Catherine Berney en a des valises pleines. Elle se souvient par exemple avoir chanté, à 25 ans, la Petite Messe solennelle de Rossini. Cette version était interprétée avec orchestre dans une cathédrale de Lausanne bondée : « C’était lors du Festival de la Cité. Chanter la crucifixion et la passion du Christ m’a alors bouleversée. J’ai ressenti, là, un tout petit peu, ce qu’avait dû être cette mort à la croix. » Et puis comme cheffe de chœur, elle évoque un passage de la Passion selon St-Jean de Jean-Sébastien Bach, quand le chœur chante « kreuzige » - « crucifie » de façon terriblement agressante. « Quand je dirigeais le chœur, à ce moment-là, j’entendais les coups de marteau... C’était vraiment affreux. Affreux, mais saisissant, vous comprenez ? »
Gabrielle Desarzens