Un mardi après-midi derrière les anciens Ateliers mécaniques de Vevey. Des personnes attendent leur tour devant l’enseigne de l’Etape. Ici, pas de cornet préparé à l’avance avec des pâtes ou du riz. L’un après l’autre, les bénéficiaires se dirigent avec leur propre sac à commissions dans les locaux de l’association et choisissent les produits frais qui leur font envie. Viande, poisson, pain, fruits, légumes… Autant d’aliments qu’ils ne parviennent plus à payer, à l’image de cette femme qui dit être masseuse et naturopathe, et n’avoir plus de clients depuis deux mois. « Donc plus de rentrées financières, dit-elle posément. Mais ce n’est pas dur de venir ici. Tout le monde est souriant, agréable… »
Suisses dans le besoin
A l’intérieur, le gérant Michel Botalla, ancien ingénieur en informatique, explique que selon les derniers chiffres, 32% des bénéficiaires qui viennent ici sont Suisses. « Il y en avait moins avant », souligne-t-il. L’homme indique avoir été lui-même touché par la précarité par le passé, suite à un burn-out. « Aujourd’hui, je suis quand même surpris de la détresse de plusieurs personnes. J’ai reçu des dizaines et des dizaines de messages d’hommes et de femmes qui ne savaient plus quoi faire, dans cette phase de Covid-19. C’est bien qu’on soit là ! » Cerise sur le gâteau : Michel Botalla a développé un logiciel qui permet à chacun de s’inscrire par téléphone le matin même. En retour, tous reçoivent sur leur portable un numéro avec une heure estimée de passage, pour éviter l’attente qui était parfois longue et pénible. « Il faut dire que de 80 bénéficiaires avant le coronavirus, on est passé à plus de 200 par après-midi de distribution. Et nous sommes ouverts deux après-midis par semaine », explique Jean-Blaise Roulet, pasteur de La Passerelle (FREE).
Décalage…
Le bouche à oreille aidant, des bénéficiaires viennent du chablais, de Lausanne et même parfois d’Yverdon. « Aujourd’hui, on continue à recevoir ceux du Chablais, car ils n’ont rien dans leur région de similaire, déclare le gérant. Les autres, on les a réorientés sur les aides de leur ville. Cela dit, 85% de nos bénéficiaires habitent Vevey et la Riviera ! » La Riviera lémanique… « Un lieu où les propriétaires de gros 4/4 côtoient celles et ceux qui ont faim : ce décalage surprend et reste difficile à gérer ! », s’exclame Jean-Blaise Roulet. En ajoutant que son moteur à lui est ce Jésus, « qui s’identifie aux plus pauvres. Après, ma présence ici ne passe pas par la proclamation de l’Evangile, mais par l’écoute, la bienveillance, la prière, aussi. En fait, des lieux comme celui-ci nous apprennent à donner. Sans rien attendre en retour. C’est précieux. »
Gabrielle Desarzens