Le cours commence par une mise en mouvement très lente. Puis Luigina Lamacchia parle de la lettre « Hé » correspondant au E de notre alphabet latin. « Le « Hé » symbolise le souffle, dit-elle. Le souffle qui est une prière. Non pas la prière tête basse, nuque courbée ; non pas la prière les yeux au ciel qui attend tout du Très haut, non : l’homme en prière du pictogramme est debout, en marche, les pieds solidement ancrés sur la terre, les mains hautes comme des antennes, et le visage fixant l’horizon. » Et l’enseignante de Téhima de montrer les gestes à faire pour « dire » cette lettre au moyen du corps. Ce mardi matin, cinq personnes suivent le cours donné à Renens.
Simple et profond
Pour Marc, pasteur dans le Gros-de-Vaud, c’est un contact avec son corps et avec sa vie spirituelle qui est vécu pendant ces séances : « Je me sens dynamisé, harmonisé », exprime-t-il. « Ce matin, j’avais un petit temps de prière, et j’ai pu me reconnecter à cette prière en lui donnant plus d’ampleur ». Autre participante, Françoise, elle, parle d’une période où elle ne savait plus très bien quoi faire de sa vie : « Et là, je me sens revivre », déclare-t-elle. « Il y a 22 lettres, explique de son côté Fabienne. Moi, je sors dans la nature et je les déroule pendant une vingtaine de minutes : c’est à la fois simple et très profond. »
Danser les psaumes
« Une fois qu’on a incorporé les 22 chorégraphies, on va pouvoir calligraphier dans l’espace des mots, des textes », indique Luigina Lamacchia, qui aime par exemple prendre des psaumes et danser sur le texte : c’est comme s’il sortait alors des pages. Le vivre par le mouvement est une magnifique sensation », confie-t-elle. « La Téhima telle que je la comprends prend chaque lettre comme moyen de penser une nouvelle relation entre moi et le monde, estime pour sa part Marc-Alain Ouaknin, philosophe, écrivain et rabbin français. Et la personne danse ces lettres pour ne pas être enfermée dans quelque chose qui serait de l’ordre d’une vérité définitive, soit dans une idéologie. »
Une démarche d’ouverture
La discipline a été créée par le couple français Tina Bosi, chorégraphe et thérapeute, et Frank Lalou, calligraphe de réputation internationale. Est-elle thérapeutique ? Pour Marc-Alain Ouaknin, la guérison vient du fait que l’on s’ouvre à une autre culture. Cela dit, les lettres hébraïques ont toute leur propre symbolique. « Et danser les lettres est une tradition mystique remise à l’honneur par le hassidisme », souligne le rabbin. En effet, ce courant parle par exemple de taper dans les mains pendant la prière comme une façon d’écrire, puisque les phalanges correspondent chacune à une lettre. « Quand on sait que celles-ci correspondent également à chaque partie du corps, on comprend que quand on se met en mouvement, on écrit sa vie, signale Marc-Alain Ouaknin. Le fondement de la Téhima s’enracine dans cette pratique hassidique. On est à la source du Verbe. Et il y a là une épaisseur spirituelle qui nous empêche de tomber dans le piège de l’idéologie ,mais aussi du New Age. »
Gabrielle Desarzens