C’est l’histoire de mots qui ont bouleversé. Et qui bouleversent encore. Ces mots, ce sont ceux de la théologienne et écrivaine alsacienne Marion Muller-Colard dans son livre « L’Autre Dieu »1. Elle y parle d’un Dieu qui permet la souffrance et de la plainte de personnes soudain privées de repères de la part de celui avec lequel elles croyaient pourtant avoir passé un contrat. « Job a perdu la confiance en ce Dieu contractuel qui protégeait sa vie, écrit-elle en faisant un parallèle avec l’histoire de ce personnage de l’Ancien Testament. Le contrat brutalement rompu contenait un trésor dont dépendent tous les autres trésors : l’appétence de la vie et l’appétit des vivants »2. Nuria Chollet a lu ces mots, en a été saisie et les a mis en scène. Sa collègue Aude Moret les égrène, elle, au piano. Au final : deux femmes sur scène disent la relation qui peut se tisser avec Dieu en dépit de la souffrance.
Passer d’un système à une relation
« Ce livre m’a bouleversée dans ce que j’étais en train de vivre, témoigne Nuria. J’y ai trouvé une ode à la vie. J’ai compris qu’il nous faut dépenser les 1440 minutes de chaque jour du mieux qu’on peut, quelles que soient les circonstances. Qu’il nous faut continuer d’avancer. Ouvrir nos volets chaque matin et respirer. » Son spectacle l’a aidée d’abord elle-même à accepter le malheur comme faisant partie de la vie. Comme Marion Muller-Colard a su l’écrire, après avoir notamment été au chevet de son fils malade, qui a failli mourir à 2 mois : « La détresse m’avait dilatée et, en quelque sorte, elle avait élargi ma surface d’échange avec la vie. Et près de ce petit corps, se superposait à ma supplication muette pour qu’il vive, la conviction profonde que, quoi qu’il arrive, ce qui était incroyable et sublime, c’était qu’il fût né. Et que cela, jamais, ne pourrait être retiré à quiconque. Ni à lui, ni à moi, ni au monde, ni à l’histoire. »3 Plus loin, l’auteure écrit ceci: « Il m’appartenait, et c’était un effort immense de dévier les aiguillages de la Menace ; de les dévier de la Plainte vers la Grâce. »4
Un pied dans l’éternité
« Quand j’ai vu ce spectacle, j’en suis ressortie en ayant l’impression d’avoir mis un pied dans l’éternité », indique Catherine Meyer, membre de l’Eglise évangélique de Meyrin (FREE) et qui a eu envie de le partager à sa communauté. Si le spectacle des deux enseignantes est donné à Meyrin vendredi 16 mars, il se donne encore à voir le 23 mars à l’Espace culturel des Terreaux à Lausanne, puis le 9 juin à Pully, au Théâtre de la Voirie.
Gabrielle Desarzens
1 Marion Muller-Colard, « L’Autre Dieu, La plainte, la Menace et la Grâce », éd. Labor et Fides : 2014.
2 page 52.
3 Page 82.
4 Page 85.