Assise en tailleur sur le tapis de mon salon, de passage juste avant de se rendre à Paris pour une action militante, Noémie sourit et demande : « Tu crois qu’il y a vraiment de quoi faire un article sur moi ? » De son végétarisme jusqu’à son gilet jaune négligemment laissé sous son pare-brise, l’engagement social est pour elle aussi naturel que respirer. Sa vocation professionnelle ? Pas de doute, c’est dans la rue qu’elle l’a trouvée, en tant qu’éducatrice à La Tuile, un centre d’accueil d’urgence fribourgeois pour les personnes sans domicile fixe. « C’est clairement Dieu qui m’a poussée à faire ce travail », dit-elle. Et d’ajouter, avec un éclat de rire : « À choisir, j’aurais peut-être dû travailler dans une banque pour avoir plus d’argent. »
Le droit d’exister
Après s’être resservie du thé aux fruits qu’elle hume avec satisfaction, elle explique que c’est la soif de justice qui motive ses actions. Elle se rappelle de la pauvreté qui frappa d’un coup ses grands-parents et devine que sa rage vient peut-être de là. Prise d’une envie soudaine, elle entonne : « Aujourd’hui, on n’a plus le droit ni d’avoir faim, ni d’avoir froid ! », la chanson des restos du cœur. Elle explique que dans un pays riche, « on a les moyens de s’entraider », et qu’il ne devrait plus y avoir de mendiants dans la rue. Réaliste ? C’est la question qu’elle se pose : « Le monde sera juste quand Dieu reviendra, mais en attendant, un monde meilleur commencerait déjà si les gens ne détournaient pas leurs regard des démunis. » Selon elle, si tu n’as pas d’adresse, tu n’es personne. Songeuse, elle raconte alors l’histoire d’un homme qui est arrivé un soir à l’accueil d’urgence, chargé de soucis, nerveux et difficile à gérer. Le lendemain, après une nuit de repos en sécurité, « il était juste un autre homme, beaucoup plus apaisé. Cette nuit lui a redonné le droit d’exister. »
Pas d’attente
De ses yeux clairs, elle fixe alors le ciel, qu’on aperçoit par la baie vitrée : « Je souhaite que les personnes dans la précarité extrême puissent plus être pris en considération. On les aiderait mieux si on n’avait pas d’attente à leur égard. On a de l’espoir en ce qui les concerne, mais il ne faut pas réfléchir en termes d’attente. » Et la jeune femme d’évoquer encore leur générosité.
Un rêve
Lorsque ses horaires le lui permettent, Noémie aime aller au Gospel Center de Fribourg (FREE). Les pasteurs étant de bons amis, elle peut parler de tout avec eux. « Ils m’ont toujours dit que j’étais à ma place dans ma sphère professionnelle », dit-elle souriante. Soutenue et encouragée, la jeune éducatrice rêve d’ouvrir un jour sa propre maison pour les personnes précarisées. Poussée par le leitmotiv que « oui, il y a déjà de l’entraide, mais on peut faire davantage encore. »
Nathalie Schmid