Cela s’est joué à un fil : par 22 voix contre 20, le Conseil des Etats a refusé d’entrer en matière sur le contre-projet à l’initiative pour des multinationales responsables. « On est déçu, mais c’est une demie surprise », a indiqué mercredi 13 mars Chantal Peyer, responsable du secteur « Droits humains et entreprises » à l’ONG protestante Pain pour le prochain (PPP). « Economiesuisse et Suisse Holding ont fait un lobby intense pour arriver à ce résultat. » L’historienne et politologue de formation sait que ce type de combat se joue sur le long terme. Dans l’émission Babel, diffusée sur Espace 2 le 10 mars dernier, elle rappelait d’ailleurs les figures de Nelson Mandela et du Mahatma Ghandi qui l’ont inspirée et qui ont, tous deux, fait preuve de détermination et de persévérance.
Arrogance
L’arrogance des grands lobbys économiques a pourtant eu raison d’un engagement des multinationales en faveur du respect des droits humains et de l’environnement. « Ce qui est frappant et qu’il faut néanmoins relever, c’est qu’en l’occurrence, beaucoup d’entreprises se sont prononcées en faveur du contre-projet, comme la Migros, la Coop, l’Association suisse du négoce de matières premières et du transport maritime (STSA), ou encore le Groupement des Entreprises Multinationales (GEM) qui regroupe plus de 90 multinationales, dont Firmenich et Caterpillar », souligne Chantal Peyer.
Le texte doit maintenant retourner au Conseil national en juin, pour revenir aux Etats en septembre. En attendant, les initiants préparent la campagne de votation.
Même fil rouge
Au sein de PPP, Chantal Peyer travaille depuis 17 ans pour un monde plus juste. Elle se bat pour les droits des extracteurs de minerais au Congo RDC, comme pour ceux des personnes qui confectionnent des habits au Bangladesh. Les campagnes se suivent. « Tous ces dossiers sont reliés par le même fil qui est celui de la responsabilité des entreprises en matière de droits humains. Et le fait que les multinationales ont pris de plus en plus de pouvoir : leurs chiffres d’affaires sont plus importants que le produit intérieur brut de beaucoup de pays où elles investissent. » A l’époque de ses enquêtes dans les mines du Congo, elle a dit le choc éprouvé face aux conditions de logements misérables des travailleurs, aux risques encourus dans l’exercice d’extraction... Un choc qui allait bien au-delà de tout ce qu’elle avait pu observer et entendre jusque-là en termes d’indifférence aux droits humains et à tout principe d’éthique économique.
Gabrielle Desarzens
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