Le centre d’éducation et de santé Tahaddi de Catherine Mourtada se dévoile derrière un lourd portail coulissant bleu clair. Les habitations du quartier qui l’abrite n’ont souvent ni électricité ni eau courante. Plusieurs familles syriennes ont trouvé refuge dans ces ruelles poussièreuses. « Les jeunes filles qui se marient de manière précoce sont souvent issues de milieux défavorisés, explique Catherine Mourtada, une enseignante vaudoise installée depuis plus de 20 ans au Liban. Les parents ont de la peine à trouver du travail et à avoir assez d’argent pour nourrir leurs enfants. Une fille qui se marie c’est ainsi une bouche de moins à nourrir. Les réfugiés qui se trouvent dans un pays étranger ont aussi une peur plus grande qu’il arrive quelque chose à la jeune fille : qu’elle soit enlevée, ou qu’elle tombe amoureuse d’un jeune homme que la famille n’aurait pas choisi. »
Traumatisme
Avec la crise syrienne, le nombre de ces mariages d’enfants a beaucoup augmenté. Selon une dernière étude menée en 2017, on a assisté à une hausse de 9% de ces mariages parmi les jeunes Syriennes réfugiées au Liban depuis le début de la guerre, mais aussi de 1,4% parmi les Libanaises. Dans l’enceinte de Tahaddi, Fadia, 38 ans, explique avoir eu 5 garçons depuis son mariage célébré à 13 ans. Elle confie ne pas avoir su ce qui l’attendait le jour de ses noces, non sans ajouter son intention de se battre pour qu’aucun de ses fils ne se marie de façon précoce. « Il y a peu, une jeune femme de 22 ans, mère d’une enfant de 8 ans, est venue me raconter que le jour de son mariage, alors qu’elle avait 13 ans, on l’a amenée chez le coiffeur sans rien lui dire, raconte encore Catherine Mourtada. Elle était contente d’être bien habillée. Puis un de ses oncles est venu vers elle et l’a embrassée. Ses parents lui ont dit qu’elle devait partir avec lui, qu’elle allait devenir sa femme. Cela a été un traumatisme horrible. Ces mariages sont très rarement satisfaisants. Les filles doivent arrêter l’école. Elles ne peuvent pas se former professionnellement. Beaucoup de femmes qui participent à nos cours d’alphabétisation, d’informatique ou de couture réalisent un rêve : celui d’acquérir des compétences qui leur permettront par la suite de gagner de l’argent, d’être financièrement indépendantes. » L’émission Hautes Fréquence de dimanche 26 août, à 19h sur RTS La Première, donne la parole à Catherine Mourtada ainsi qu’à divers acteurs concernés par la problématique.
Gabrielle Desarzens