Rencontré à Neuchâtel où il travaille, Sébastien Chadaud Pétronin va bien : « J’ai été libéré il y a une dizaine de jours en même temps que ma mère ! » Les premières images de ses retrouvailles avec Sophie Pétronin le montrent dans une grande émotion, répétant en pleurant « Maman, Maman » sur le tarmac de l’aéroport de Bamako, au Mali, avec sa mère dans ses bras. Dix jours plus tard, il les commente et avoue avoir craqué : « J’avais enfermé en moi durant 4 ans mes sentiments à double tour parce que mes émotions m’auraient empêché de faire ce que je voulais pour elle. Et là, quand elle est descendue de l’avion, mon cœur, mes tripes ont parlé et j’ai eu besoin de hurler ! » Car par le passé, Sébastien a eu plusieurs fois le sentiment que sa mère allait être libérée. « J’allais sur place. Je savais être tout près d’elle, et rien ne se passait. Il a fallu tenir jusqu’à cette libération tant souhaitée ! »
Adaptation
Aujourd’hui, Sophie Pétronin est en bonne forme, assure-t-il. Peu à peu, elle livre à son fils quelques éléments de sa détention. « C’est incroyable comme elle a pu s’adapter, témoigne Sébastien, comme elle a pu garder sa lucidité, son calme, ne pas céder à la douleur, au tourment, à la rancune. Elle essaie de nous expliquer comment elle vivait, mais c’est dur à imaginer. »
Conversion à l’islam
Les premiers mots que Sophie Pétronin a prononcés face aux journalistes ont témoigné de sa conversion à l’islam : « Vous dites Sophie, mais c’est Mariam que vous avez devant vous », a-t-elle dit, en précisant qu’elle allait désormais prier Allah pour le Mali. Pour Sébastien, il s’agit là encore d’une forme d’adaptation : « Au lieu de lutter et de s’enfermer dans ses repères, elle s’est ouverte aux personnes qui étaient autour d’elle. Elle a vécu ces 4 ans, et à fortiori ces 20 dernières années, sur une terre d’islam. Forcément, elle a été amenée à comprendre les autres, à parler le même langage qu’eux. Et d’autre part, moi en tant que fils, j’espérais qu’elle se convertirait parce que je me suis beaucoup documenté. J’ai également échangé avec des ex-otages et je savais que quelqu’un qui adopte leur religion serait peut-être un peu privilégié, mieux traité. »
La religion, un facteur-clé ?
Sophie Pétronin, convertie à l’islam et libérée ; Béatrice Stockly, chrétienne, exécutée. Mais la religion ne serait pas pour Sébastien un facteur-clé dans le destin des otages au Sahel. « Et Béatrice a peut-être été exécutée, indique-t-il en insistant sur le « peut-être ». Pour l’instant, ça n’est pas factuel. Je fais d’ailleurs un clin d’œil à Werner (ndlr : frère de Béatrice) avec qui j’ai quelques échanges : des éléments nous font penser que le pire a été possible, mais ce n’est pas certain et il faut le souligner. » Quant à la libération de sa mère, il l’explique en raison de son âge, de sa faible santé, et surtout «parce qu’elle est « une humanitaire qui a sauvé à Gao des centaines d’enfants. Peut-être que ce dernier facteur a joué en sa faveur et que l’envie qu’elle soit libérée était partagée par ceux qui la détenaient. »
Polémiques
Sophie Pétronin a déjà provoqué la polémique en refusant de qualifier ses ravisseurs de djihadistes. Le chef d’état-major des armées françaises, François Lecointre, a réagi vivement en soulignant qu’il n’était pas possible d’en parler seulement comme d’un « groupe armé d’opposition », comme elle l’a fait. Le montant touché par les djihadistes en contrepartie des otages libérés et les plus de 200 membres de leurs groupes relâchés par Bamako ont également alimenté les critiques sur les réseaux sociaux. « On ne connaît pas les montants versés, indique posément Sébastien. Maintenant, il y a toujours une contrepartie dans une libération. Cela peut être politique, financier, un retrait de troupes… Il n’y a jamais de libération parfaite. On est toujours dans une sorte de compromis. » Face aux djihadistes, il affirme enfin avoir toujours parlé avec son cœur. « Il a fallu que je me débarrasse de mes frustrations, de ma colère, de mes traumatismes, de ma violence. Parce que cela pouvait nuire à la libération de ma mère. Je pense d’ailleurs que je suis quelqu’un d’autre, maintenant ! Cela dit, je crois que l’on se trompe tous : on veut classifier les méchants d’un côté, les gentils d’un autre. La vie d’une personne comme Sophie Pétronin, ce n’est pas très important à l’échelle du monde, la libération de djihadistes ou la conversion d’une femme à l’islam non plus. Ce qui nous intéresse par contre ma mère et moi, c’est que la paix revienne au Mali, où la guerre a déjà fait des milliers de morts ! »
Quatre libérations
Sophie Pétronin a été libérée jeudi 15 octobre en même temps que deux Italiens et qu’un homme politique malien. La Suissesse Béatrice Stockly aurait été exécutée. C’est du moins ce que la Direction générale de la sécurité extérieure en France (DGSE) a communiqué au DFAE qui a relayé la nouvelle. Soeur Gloria Cécilia Argoti, une Colombienne, a été une compagne de détention de Sophie Pétronin. Enlevée le 7 février 2017 à Karangasso dans le sud du Mali, elle est toujours entre les mains de ses ravisseurs.
Gabrielle Desarzens
Un émission à écouter sur RTS La Première
Ce papier est paru sur RTSinfo.ch