245 millions. C’est le nombre que Philippe Fonjallaz, directeur de Portes Ouvertes en Suisse, articule quand il parle des chrétiens persécutés dans le monde. « Cela représenterait environ un chrétien sur neuf selon nos études », précise-t-il à Romanel-sur-Lausanne, dans les locaux de l’ONG. A l’occasion du « Dimanche de l’Eglise persécutée », le 17 novembre dernier en Suisse, il a répondu aux questions de Gabrielle Desarzens dans l’émission Babel, sur RTS Espace 2.
- Qui sont les chrétiens persécutés dans le monde ? Peut-on dresser des catégories ou des raisons de persécutions différentes suivant les pays ou les régions de la planète ?
La persécution est relativement complexe. C’est difficile de la réduire à une cause précise. Mais on distingue en général la persécution « marteau » de la persécution « étau ». La première est violente. On peut citer par exemple en avril dernier les attaques d’églises au Sri-Lanka ou l’assassinat de fidèles et du pasteur dans une province du nord du Burkina Faso. Cette persécution « marteau », c’est aussi des déplacements comme en Irak, où les chrétiens ont dû massivement quitter la plaine de Ninive sous l’intimidation du groupe Etat islamique. C’est encore l’envoi dans des camps de travail comme en Corée du Nord. La persécution « étau », elle, prend des allures d’oppression au quotidien. Elle amène l’exclusion sociale, la discrimination dans l’éducation ou l’emploi. C’est une persécution qui imprègne la vie de certains chrétiens et qui est très pénible à vivre.
- Quand vous parlez de cette persécution « marteau » ou de cette persécution « étau », j’ai en tête tout de suite la minorité musulmane rohinghia en Birmanie, ou encore les Ouïghours en Chine, Pourquoi mettre en lumière uniquement les chrétiens ?
La minorité chrétienne est une minorité religieuse qui souffre parmi d’autres selon les pays, nous en avons conscience. Notre choix est un parti pris, il faut le dire. Nous sommes une organisation chrétienne et nous pensons qu’il est important de solidariser l’Eglise du monde entier avec la situation difficile que subissent des chrétiens dans certaines régions. Cela répond à un appel biblique dans 1 corinthiens 12:26 où l’apôtre Paul dit que « si un membre du corps souffre, tous les autres membres souffrent avec lui. »
Cela dit, les affaires étrangères en Grande-Bretagne ont publié cet été un rapport sur la persécution, et en particulier sur la persécution des chrétiens, qui nous conforte sur le fait qu’il y a un sujet particulier à thématiser, à rendre public. Dans cette étude, les experts vont même beaucoup plus loin que nous en parlant suivant les pays de « christianophobie », par analogie à l’islamophobie ou à l’antisémitisme. C’est dire que le gouvernement de ce pays prend très au sérieux la situation de minorités chrétiennes dans le monde.
- Est-ce que sur le terrain, vous vous occupez quand même des autres minorités religieuses ?
Notre accent est avant tout de soutenir l’Eglise locale, les chrétiens, pour qu’ils puissent vivre leur foi malgré les discriminations et les persécutions. Mais dans les faits, les églises sur place, elles, vivent vraiment le message de l’Evangile. Et quand il s’agit d’aider leurs prochains, elles ne vont pas faire la distinction entre des communautés ou entre différentes religions. Si je prends la Syrie, les églises sont source d’espoir et de soutien pour leurs voisins, qu’ils soient chrétiens ou musulmans.
- Et pour ce « Dimanche de l’Eglise persécutée » en Suisse, vous avez mis la focale sur le Nigéria. Pourquoi ?
La situation du Nigéria est emblématique de tout ce qui se passe dans le sud du Sahara. Nous voulons sensibiliser les personnes en Suisse sur toute la ceinture subsaharienne, sur ce qui se passe au Nigéria, mais aussi au Burkina Faso, au Cameroun, au Mali. Autant de pays où la minorité chrétienne est aujourd’hui sérieusement mise à mal.
(réd.)