Asia Bibi a été condamnée à mort en 2010 pour avoir bu de l’eau à un puits réservé aux musulmans. Les villageois lui ont ensuite reproché d’avoir insulté le prophète Mahomet, une offense considérée au Pakistan comme le crime ultime. « Le 25% des accusations de blasphème concerne des chrétiens, souligne Philippe Fonjallaz au siège de l’ONG à Romanel-sur Lausanne. Ils sont une population particulièrement vulnérable et souffrent à tous les niveaux, de l’école à la sphère professionnelle. » A l’annonce de l’acquittement d’Asia Bibi, un père de famille chrétien a d’ailleurs raconté être allé chercher son fils à l’école : « Il a mis 15 minutes pour sortir : il avait si peur. Il se cachait dans une armoire de sa salle de classe. Il a attendu que les enfants soient partis et a couru jusqu'à la porte. Il ne savait pas pourquoi l'école était annulée pour la journée. Ces 15 minutes ont été les plus longues de ma vie. Je tremblais en l'attendant. Lundi, quand mon fils retournera à l'école, que va-t-il subir ? »
Discrimination des minorités religieuses
L’acquittement de la chrétienne pakistanaise Asia Bibi prononcé par la Cour suprême mercredi 31 octobre a provoqué un tollé au Pakistan. Les musulmans radicaux ont exigé la révision de son procès et obtenu du gouvernement qu’elle reste en prison en attendant que leur requête soit examinée. « Les islamistes veulent du sang », témoigne un partenaire de PO au Pakistan. « Quand ils quitteront la route, nous craignons qu'ils ne viennent dans les églises et ne les attaquent. » Pour Philippe Fonjallaz, directeur de l’ONG, le cas d’Asia Bibi est emblématique d’un malaise général dans le pays : « La loi sur le blasphème est utilisée tous les jours pour régler toutes sortes de conflits. Elle sert de prétexte dans la grande majorité des cas aux musulmans sunnites majoritaires qui, en la brandissant, s’accordent des privilèges comme un bout de terre de façon malhonnête. » De fait, l’outil est manié pour discriminer les minorités religieuses comme les chiites, les hindous et les chrétiens, qui constituent le 2% de la population.
Femme et chrétienne : double tare
« Le fait qu’Asia Bibi soit non seulement chrétienne mais de surcroît une femme n’a fait qu’attiser plus encore la haine qui s’est comme embrasée ces derniers jours », déclare Philippe Fonjallaz. Non sans préciser que chaque année, des centaines de femmes chrétiennes sont enlevées, souvent violées, puis forcées de se marier à des hommes musulmans, avec une conversion à l’islam à la clé.
Travail de plaidoyer
L’ONG Portes Ouvertes travaille avec des partenaires locaux en ce qui concerne la formation professionnelle des chrétiens, mais aussi les soins post-traumatiques et le soutien aux églises. Elle tâche de faire en sorte que les membres de celles-ci soient défendus devant la justice et tisse des liens avec des parlementaires européens comme avec des personnalités aux Etats-Unis pour qu’ils interviennent en faveur des minorités au Pakistan.
Gabrielle Desarzens